Après vous avoir présenté son projet et fait partager son carnet de bord de tournage, Alexandre Berger partage son approche de travail avec les Repairenautes suite au tournage en NEX-FS700 de son court-métrage Club Combat lauréat du Challenge Creation 2013. Comment Alexandre et son équipe ont-ils utilisé la caméra au service de l’intention cinématographique du réalisateur, comment ont-ils géré les ralentis malgré la différence de 2 diaph par rapport aux plans à vitesse normale, quel a été leur travail de lumière dans le parking ou dans la rue, comment ont-ils organisé et géré cette production pour tenir les délais de tournage puis de livraison du teaser 5 jours plus tard ?

Partie 3/3 de ce compte-rendu via un entretien en trois parties avec le réalisateur et son directeur photo.

Accessoirisation de la FS700

Le Repaire : Comment a été accessoirisée la caméra ? Quel a été le travail du chef op autour ?

Alexandre Berger, réalisateur : Comme on a travaillé dans un timing serré pour un film assez long, 3 jours de tournage pour 15mn de film final, l’idée était d’avoir un chef op autour de la caméra et que le directeur photo n’ait pas à s’occuper de la caméra. Du coup, l’opérateur était très pointu, c’est Thomas Biseau, qui est opérateur sur des longs métrages. On s’est ainsi bien réparti les rôles entre le travail de la lumière, les réglages de la caméra, et moi la mise en scène et les comédiens.
Les principaux accessoires étaient donc le follow-focus et le moniteur OLED. Pour moi le moniteur a été essentiel pour l’organisation du travail de l’équipe (maquilleuse, scripte, chef op, directeur photo) d’autant qu’on avait ouvert le plateau à des observateurs qui pour beaucoup découvraient la différence entre le réel et le plan tourné et donc le moniteur était idéal pour ça.

Le Repaire : Comment s’intégrait ce moniteur dans ton travail de réalisation, en profitais-tu pour re-visionner des plans ou au contraire est-ce que comme certains réalisateurs tu t’interdisais de les re-visionner sur le tournage ?

Alexandre Berger : On en a re-visionné quelques-uns, pas du tout pour des questions de contrôle de rendu mais pour voir si la mise en scène fonctionnait ou pour des essais de slow motion. C’était un tournage assez serein, on était assez sur de ce qu’on faisait, mais par contre l’avantage du moniteur c’était de pouvoir s’isoler un petit peu, limite de tourner le dos au plateau pour se concentrer sur le rendu final qu’on a sous les yeux et de peaufiner quelques petits détails de mise en scène.

Bertrand Noël, directeur photo : Comme directeur photo je n’ai bien sûr pas le même rapport au combo et pour moi il était vraiment essentiel. Pour la confiance en la colorimétrie il aurait fallu calibrer le moniteur ce que nous n’avons pas fait ici mais il avait un rendu proche de nos attentes finales donc c’était bien ainsi. Je l’utilisais donc pour contrôler mes placements de lumière et leur rendu. Un exemple précis : en photo je travaille en Raw Flat pour ne regarder que l’histogramme et le placement des lumières et juger du potentiel de mon image, eh bien j’ai utilisé le moniteur OLED avec la même approche pour la direction de la lumière cinéma.
Il était aussi idéal pour libérer le plateau, il n’est pas toujours nécessaire que la maquilleuse retourne voir un comédien pour voir s’il y a de la brillance, le combo suffit largement à cela.

Alexandre Berger : Oui et puis c’est un confort incomparable avec celui des petits moniteurs que tu mets sur ta caméra. Ça m’a permis de laisser tranquille le cameraman sur les plans tournés à l’épaule tout en le dirigeant à distance sans être sur son dos.

Bertrand Noël : Il faut aussi dire que pour le slow motion on ne peut pas le re-visionner sur la caméra, sauf juste après le traitement par la caméra après la prise. C’était donc une occasion de juger du résultat dans de très bonnes conditions pour voir si on était satisfait de la scène tournée.

Le travail de la lumière

Le Repaire : En tant que directeur photo comment as-tu abordé ton travail de la lumière sur ce film tourné avec la FS700 ?

Bertrand Noël : Je travaille avec Alexandre depuis longtemps, je connais ses goûts et ses attentes en terme d’image, de rendu, de teintes. Sur ce projet nous avions même quelques images références issues du film Fight Club.
Concernant mon approche de travail, j’ai pour habitude de travailler avec le même set de lumières que ce soit en vidéo ou en photo. Je viens initialement de la photo, domaine où j’ai fait mon apprentissage de la lumière. Pour la vidéo j’ai toujours re-décliné ce que je faisais en studio photo, mais en intégrant bien sûr les contraintes du mouvement, le placement des lumières par rapport aux ombres dans le mouvement. Ma base de travail est donc un mélange entre des lumières très diffuses et enveloppantes et de lumières très cisaillantes que j’utilise souvent en retour pour souligner les personnages.
Alex voulait un rendu très clair/obscur et jouer beaucoup avec les ombres, ce qui se prête bien à ce type de films, du coup par rapport à la caméra je me suis assez peu posé de questions sur sa sensibilité et sa capacité à monter dans les ISO sans bruiter. Pour autant avec Thomas, l'opérateur, on a été agréablement surpris de voir pendant les tests préparatoires que la caméra pouvait monter facilement dans les ISO sans générer trop de bruit, ce qui en soit était une base rassurante pour le reste du travail de la lumière.

Le Repaire : Peux-tu nous en dire plus sur les sources de lumières que tu as utilisées dans ce contexte où les décors sont un parking et pour quelques plans la rue de nuit ?

Bertrand Noël : Pour la préparation je vais toujours repérer le lieu avec mon appareil photo, juger les cadrages et la lumière déjà exploitable sur place, voir si j’ai besoin de la compléter ou à l’inverser de complètement l’effacer pour la remplacer. Ici nous étions dans un parking avec une ambiance lumineuse déjà intéressante avec deux types de néons, certains en couleur jour et d’autre plus chaud autour de 3200°K. Je trouvais le mélange assez sympa, d’autant que j’aime bien mélanger les températures de couleur, surtout pour ce genre de film avec de l’action en sous-sol, d’autant que l’on savait qu’en étalonnage on voulait une teinte jaune/verte pour le film.
Mais comme nous avions prévu de faire du ralenti, et que ces néons amèneraient donc du Flicker (scintillement), il n’était pas question de « tomber dans le panneau » d’autant plus dans ce contexte de Challenge d’utilisation de la caméra sous l’œil averti des Repairenautes ! On a donc pris le parti d’utiliser ces néons existants uniquement pour les scènes qui ne sont pas au ralenti, et de toute façon en les complétant (et même en en enlevant certains) avec d’autres néons avec mes Kino Flo là-aussi avec un mélange de jour et de 3200. Donc là ça nous faisait notre base lumière venant du haut qui creusait les yeux, donnait une image assez dure pour les visages.
Par ailleurs les néons n’étant pas partout, et les personnages bougeant beaucoup pendant les combats, cela permettait aussi qu’ils ne soient pas toujours dans la lumière et de jouer sur les passages d’ombre à la lumière. D’ailleurs même en ouvrant les volets au maximum j’ai fait le choix d’utiliser des nids d’abeille pour rendre les rayons lumineux bien parallèles ce qui fait que dès qu’un personnage n’éloignait un petit peu d’une des lumières il rentrait de suite dans une zone d’ombre et je trouvais cela très intéressant. J’aime contrôler et diriger ma lumière où je veux et donc travailler pour cela avec des nids d’abeille aussi bien sur les lumières directes que diffuses, j’aime qu’elle soit enveloppante au niveau du personnage mais je n’aime pas qu’elle couvre une trop grande surface.

Le Repaire : L’image a-t-elle été travaillée d’une façon particulière sur le plateau en prévision de l’étalonnage ?

Bertrand Noël : Je voulais garder une bonne marge de manœuvre en post-prod pour pouvoir contraster mais surtout sans perdre trop d’informations dans les moyennes lumières, particulièrement sur les vêtements pour les déboucher comme souhaité.

Le mot de la fin

Le Repaire : Alexandre, quels autres aspects souhaiterais-tu partager avec les Repairenautes pour conclure ce retour d’expérience ?

Alexandre Berger : Participer à ce Challenge a été source de grands stress parce qu’il fallait tenir les délais et qu’il y avait quand même une part d’inconnue certaine, mais cela m’a fait grandir et gagner un temps phénoménal à tous points de vue : dans la manière de gérer un plateau, une équipe, de la mise en scène, les comédiens, de prendre en compte les spécificités techniques. Cela m’a appris qu’il faut un minimum maîtriser la technique car avoir un super chef op c’est bien mais si on peut échanger avec lui on peut aller encore plus loin.
Cette caméra m’a permis d’aborder le slow-motion ; d’avoir un steadycamer parce que la caméra et le challenge m’ont « poussé au cul » si vous me passez l’expression ! Il est important pour un réalisateur d’avoir son propre univers. J’avais déjà travaillé en ce sens sur mon précédent court-métrage Le Reflet, et le travail de Bertrand sur la lumière est vraiment important et complémentaire car il donne une personnalité au film.

Mon univers je commence à me le dessiner petit à petit, je cerne de mieux en mieux ce qui me correspond, et ce film-là m’a fait comprendre beaucoup de choses et bien fait avancer en ce sens. Après cette expérience avec cette caméra sur le plateau je sais que pour mes prochains tournages j’ai envie de repartir au minimum de ce type de caméra, à mes yeux l’approche était plus professionnelle qu’avec un DSLR (avec lequel j’ai tourné mon précédent court métrage).

Entretien mené par Sébastien Gaillard