Intéressons nous maintenant à ce nouveau métier dans le cadre d’une captation sportive en direct, ceux qui vont “créer la 3D” en somme: les stéréographes ou “convergent puller”. Comment créent-ils leur rendu 3D pour chaque caméra, avec quels outils ? Voyons aussi les traitements nécessaires pour le signal 3D, et découvrons la régie 3D.

Si dans la vie nos yeux sont en moyenne espacés de 6,5cm, tout devient bien entendu plus complexe avec des caméras 3D puisque cet espacement sera variable en fonction de la focale exploitée sur la caméra (le niveau de zoom retenu) et surtout du type de rendu d’image 3D souhaité par l’équipe de réalisation. Il faut donc régler cet espacement en direct pour “créer” la 3D:
-décider de l’endroit dans l’image où commencera la profondeur (toute action se situant avant ce point surgira c’est à dire qu’il sortira de l’écran pour le spectateur, effet manié avec beaucoup de retenue bien entendu),
-choisir l’ampleur de cette profondeur.

Nous l'avons évoqué dans la présentation des caméras, c’est donc en intervenant matériellement sur l’espacement entre les caméra que sera créé le rendu 3D: doc via l’emplacement de la caméra supérieure déplacée sur sa platine dans le cas du Rig à miroir ; ou via l’espacement horizontal d’une des deux caméras sur la platine dans le cas du rig “side by side”.

On l’aura compris un seul opérateur ne peut tout faire: cadrer, zoomer, faire le mise au point et en plus créer la 3D en temps réel pour chaque nouveau cadrage, d’autant que cette création est une spécialisation à part entière. Chaque caméra est donc gérée par deux personnes: le cadreur d’une part (angle de prise de vue, focale, mise au point) qui comme d’habitude se trouve derrière sa cam sur le stade ; et un stéréographe (“convergent puller”) d’autre part, chargé de déterminer en permanence l’espace 3D.

Les réglages 3D pour le foot, un exemple: Selon la façon dont le stéréographe espace les caméras il détermine quel est le point dans l’image (ici un joueur de foot) à partir duquel le reste de l’image s’étend dans la profondeur de l’espace 3D et avant lequel tout objet pourrait créer un effet de surgissement qui n’est pas spécialement recherché mais peut parfois se produire (le juge de ligne passant devant la caméra par exemple) ou encore “le ballon traversant le filet en pleine lucarne et arrivant face caméra (la cam derrière le but) avec un effet de surgissement pour le premier but du premier match de la coupe du monde Afrique du Sud - Mexique” nous a raconté Norbert Paquet. Mais il définit aussi l'ampleur de la profondeur à donner à l'image 3D, pour éviter que les différents joueurs paraissent tassés les uns sur les autres, et donc restituer une perspective qui reprend notre perception naturelle quand on est au bord d'un stade ou dans les tribunes en places VIP.

Le stéréographe pilote tout depuis le car Régie

Si en cinéma ce stéréographe peut se placer à côté de la caméra, dans le cadre du foot l’espace alloué aux équipements sur le stade est plus contraignant et implique de s’adapter. Grâce à un pilotage à distance les stéréographes disposent donc d’un espace dédié au sein du car régie 3D afin de piloter à distance l’espacement de leurs caméras respectives et ainsi créer leur 3D avec des outils de contrôle et de monitoring. Les informations de pilotage du Rig sont envoyées au car régie au sein du signal par fibre optique via le câble RS.

Côte à côte dans le car régie, les huit stéréographes contrôlent à distance leur caméra 3D, et disposent d'outils pour contrôler leur rendu 3D. Ici les trois derniers postes de la rangée. Notez le jog-shuttle permettant de contrôler la caméra.



L’équipe de huit stéréographes est supervisée par un chef stéréographe qui joue le rôle de chef d’orchestre de l’image 3D qui sera créée. Il veille donc à ce qu’une cohérence soit préservée pour la 3D créée pour chaque caméra, peut aider techniquement un stéréographe en lui donnant des conseils de réglages de convergence pour préserver une homogénéité.

Lors de l’installation de l’équipement le chef stéréographe vérifie aussi la position des caméras, qui sont d’ailleurs installées et réglées par les stéréographes sur le stade, pour bien régler le miroir du Rig par exemple.

Le chef stéréographe définit donc les grandes lignes directrices de la 3D créée en live pour répercuter le rendu choisi avec le réalisateur, pendant le direct il poursuit son dialogue avec le real et l’alerte aussi quand une caméra n’est pas exploitable en cas de souci comme par exemple un rig débranché (quelqu’un qui débranche la prise sur le stade, si si ça peut arriver !!).

Lors du match de répétition auquel j’ai assisté toutes les caméras n’étaient pas encore câblées pour offrir cette déportation dans le car régie. Certains stéréographes étaient donc dans le stade à côté de la caméra et de son cadreur, avec leur moniteur dédié à la 3D et leur télécommande pour gérer la distance entre chaque caméra. Il était aussi question que pour certains cas un opérateur puisse gérer deux caméras depuis le car régie, mais dans le cas de cette répétition il y avait un “convergent puller” par caméra, qu’il soit donc à côté de la cam dans le stade ou dans le car régie pour la piloter à distance.

Qu’en est-il sur la coupe du monde ? “Il y a bien un stéréographe par caméra, et chacun des huit stéréographes est bien présent dans le car régie et pilote à distance l’espacement des caméras” nous a indiqué Norbert Paquet qui revient des premières semaines de captation en Afrique du Sud.

Partie 3. Dans le car régie: traitement de la 3D, régie

Poursuivons notre tour d’horizon du dispositif technique, cette fois du côté du Car Régie 3D: quel type de liaison au car régie, quelle organisation du car régie dédié à la 3D, quel type de traitement par les “3D box” ?


Chaque caméra 3D (en réalité on l’a vu il s’agit de deux caméras Full HD) transmet par fibre son signal vidéo dual-link (deux flux 1920x1080) au car régie. Pour chaque caméra 3D il  faut à ce jour un boitier de traitement Sony, dénommé “3D Box” par le constructeur. Huit 3D-Box pour les caméras équipent donc le car régie 3D. Un boîtier repose sur deux processeurs Cell (le processeur de la console PlayStation 3) et tout un kit logiciel. A terme une 3D Box sera à même de traiter deux caméras 3D et non pas une seule, par une optimisation du code des logiciels à l’oeuvre et l’ajout d’une carte de sortie supplémentaire. Un neuvième boitier 3D Box en bout de chaîne se charge de gérer le traitement du signal 3D final envoyé pour la diffusion Tv mondiale (et salles de cinéma).

Alors à quoi sert ce boiter "3D Box" ? Pour aller disons que ce boitier permet un traitement temps réel qui vise à fournir un signal 3D propre et fiable pour chaque caméra. Découvrons cela concrètement avec cette illustration et mes exemples concrets qui suivent.

En exploitant la puissance des deux processeurs Cell, le boitier se charge donc de gérer et corriger ce qui pourrait rendre le signal vidéo 3D d'une caméra imparfait et qui aurait pour conséquence une gêne visuelle sur la longueur pour le spectateur du fait des corrections trop importantes demandées au cerveau pour rectifier les erreurs imposées à sa vision.

Typiquement ce boitier ajuste au besoin la colorimétrie d’un des deux caméras constituant une image 3D afin que notre cerveau n’ait pas à faire cette compensation, il peut aussi prendre le relais en cas de souci matériel comme une bague de zoom qui accroche sur l’une des deux caméras afin de rectifier le zoom de façon logicielle pour que les deux images restent bien identiques (pour cela chaque zoom de caméra transmet des métadonnées analysées en permanence et réajustées par le boitier 3D Box en cas de souci) ou encore corriger de façon logicielle la convergence si une caméra venait à ne plus se déplacer comme voulu sur le Rig.

Mais surtout, la partie logicielle la plus exploitée de ce boîtier "3D Box" est celle dédiées aux stéréographes que nous avons évoqué dans la partie précédente de ce dossier. Le logiciel fournit les outils d’analyse que nous avons vu: des histogrammes,  du monitoring afin que le convergent puller puisse définir son point de convergence, être alerté en cas de souci majeur sur l’image (alerte d’image non diffusable) etc.

Enfin, ua neuvième  3D box se charge également de la prise en charge du flux vidéo 3D à diffuser: en version side by side, top bottom etc. Il pourrait aussi réajuster le signal en fonction de la taille de l’écran de diffusion: ainsi le signal pour une diffusion TV ne serait pas le même que pour une diffusion cinéma où les réglages de profondeur doivent être réajustés en raison de la taille de l’écran, mais ceci n'est pas l'oeuvre sur la coupe du monde, où un réglage moyen convenant à la fois aux cinéma et à la TV a été adopté.

La régie 3D

Le dispositif reste le même que sur une réalisation en 2D même si bien sûr le mélangeur, les moniteurs, et les postes de ralentis sont tous adaptés à la 3D et donc aux deux flux vidéo (gauche + droite) à traiter en simultané.

 Du côté de la régie, tous les monitoring 3D sont gérés en affichage passif, c'est à dire que les équipes portent du lunettes polarisantes. Pas de risque de piles des lunettes en panne en cours de réalisation sur le nez du réalisateur en cours de match ;-) La prod dispose de son côté d'un monitoring 42 pouces.

Sommaire - Filmer la coupe du monde en 3D, dans les coulisses techniques et côté réal... 1. Quelles caméras 3D pour filmer ? Comment fonctionnent-t-elles ? 2 et 3. Le rôle du stéréographe pour traiter le relief - Le traitement de la 3D dans le car Régie 3D 4.Comment filmer le foot en 3D ? Entretien avec le réalisateur Jean-Charles Van Kerkhoven (prochainement) 5. La diffusion 3D à la maison et au cinéma, pas si simple ! Compte-rendu (prochainement)

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