Un faux épisode de la Quatrième Dimension

Au début de la scène il y a un cheveu sur la table et à la fin on le retrouve coupé en quatre !
Le vrai faux raccord est là : entre le film d'une équipe de jeunes talentueux et la critique sévère de vieux cinéastes scrupuleux qui refusent de voir un film après un raccord discret et fugace.

 

Dommage que breaux ne souhaite pas partager ses remarques avec les repairenautes (fichtre, dont je suis !).

Perso, j'ai davantage félicité son sens de l'observation jusqu'à remarquer que l'oeuf n'était pas à la coque et qu'on ne pouvait même pas y tremper une petite lichette

Je confirme par contre la même attention de Nestaphe sur la véritable incidence narrative de la présence de cet oeuf dans son coquetier posé au milieu de cette table.

Perso, je ne m'en souvenais pas car je ne l'ai même pas vu sans doute davantage nourri par cette foutue nostalgie du meilleur cinéma français que je me réjouissais que des jeunes s'empare pour parfaire leur apprentissage technique dans la tradition de l'artisanal.

Je l'ai pris et le prends encore comme une récompense de l'effort de regarder en entier.

A aucun moment, je ne me suis posé la question de savoir ce qui naît de la poule et de quoi elle serait née (et pourquoi alors ce coquetier)

 

Mais avec avec plaisir !...

En fait, l'étalonnage est resté très simple, il n'y a pas de masques, rien de très finaud, c'est de la Lumetrie Premiere Pro.

Image source en LOG :



Ils ont utilisé la courbe "Neutral Start" de Premiere Pro en diminuant son intensité à 75 % (panneau "créatif")…



… baissé entièrement la saturation… (et là, pas pareil la sensation de contraste... )



et travaillé chaque plan à la courbe (uniquement à la courbe).



Enfin une légère teinte jaunâtre a été superposée par roues chromatiques et dans un autre calque d'effet qui couvre l'ensemble du film…



Rien de plus.

Durant le montage du film, de mon côté j'avais fait des essais en appliquant du grain en scan pellicule super 35 et avec le "film dust" blanc que tu peux voir dans le film : je leur ai montré et on a conclu à l'unanimité que le film était suffisamment bruité, un bruit assez "propre", disons qui peut passer pour "grain", pour ne pas avoir à surenchérir et on n'a gardé que le "film dust".

Lorsque c'est bien éclairé, bien exposé pour le Log et avec une bonne LUT d'affichage (et que le décor est adapté, j'y viendrai...), ben il n'y a pas grand-chose à faire à l'étalonnage. J'ai déjà précisé plus haut que la lumière, c'est du M.H. RAMM qui intervenait sur ce film, une partie de la création que les étudiants vivent plus comme une initiation, il y avait bien d'autres choses à maîtriser, ils l'ont fait. Victor, qui était à la caméra avait très bien compris comment fonctionne le Log et comment il convient de l'exposer, avec un petit compromis pour ce film, celui de ne pas exposer vraiment "à droite", de partir d'une bonne exposition pour l'affichage LUT puis de tirer un peu "à droite" sans s'énerver. Bref, il y avait moyen d'avoir moins de bruit dans le film mais au prix d'autres sacrifices, notamment de la gestion du contraste sur le plateau.

Pour la suite, je dois m'écarter encore un peu de la post-production à proprement parler car pour moi, pas moyen de faire autrement : on parle de choses liées et indissociables, et cela s'anticipe…

Pour ta remarque sur "la beauté de toute la gamme de gris jusqu'au hautes lumières jamais brûlées", précisons pour ceux qui imagineraient le contraire que pour cela, il ne faut pas miser sur la post-prod mais bel et bien compter sur le décor. Déjà, il vaut mieux éviter au maximum le "blanc" dans l'image, en tout cas sur des surfaces importantes. Cela passe par tapissage, camouflage, gouache, jaunissement de textile au thé, etc. À noter aussi que les murs blancs ou très clairs, cela n'existait pas ou peu dans les films N&B de cette époque (sauf salle de bain et environnements tels). C'est une des raisons de notre décision en préparation de prévoir un tapissage quasi systématique (une pièce avait des murs beige-écru, ce qui aurait pu passer dans d'autres type de film N&B, pas celui-là). Il y reste néanmoins des portions blanches de mur sur certaines scènes (cuisine, sdb)...

Bien des choses qui sont d'apparence "blanche" dans le film étalonné sont en réalité écrues ou jaune.

Enfin pour le tapissage comme pour le reste, quand tu habilles pour le noir et blanc, tu fais évidemment tes choix en fonction de la luminosité de la couleur et non de sa teinte et saturation : il faut dire que cela facilite considérablement le travail du costume, de l'accessoire et du mobilier… Il a même été utilisé une horrible tapisserie "framboise" sur ce film.

Pour finir avec l'image, voici quelques exemples, et je reviens pour... le son !

Du blanc malgré tout, mais "camouflé" au bordel...



Au même endroit...



Si, si...



Et voici le "contrechamp"... Même pièce, un voile de type tulle punaisé sur le mur blanc...



(Il y a eu comme ça sept décors montés dans deux petites pièces, film tourné en 3 jours)

Nuancier, lumière, exposition, étalonnage...



Une petite armoire, à l'origine blanc-cassé, camouflée vite fait à la gouache...





Relation lumière / exposition / étalonnage encore...





Framboise, la chambre, vert, l'édredon ...



Tapissage des murs écrus...

 

Ah ! enfin le son ! (toujours en dernier le son )

Le contexte, le point de départ :

A la base, la prise de son est plutôt "très bonne" relativement parlant au niveau habituel de ces étudiants et de ce qu'ils ramènent en général des tournages. Carmen a assuré grave ! Ils ont un cours spécifique de "réalisation son" avec un autre prof qui fait très bien son boulot, ils sont formés pour les niveaux et tout et tout. Désormais, étant donné mon expérience propre à la perche, je ne manque plus jamais de les mettre en garde sur la dangerosité de jouer les "snipers" à la perche, sinon, je ne t'explique pas à quel point le son revient détimbré. Avec eux je milite pour un placement correct et peut-être pas tout à fait idéal, avec de légers mouvements et le souci permanent d'une uniformisation du timbre dans une zone "sécuritaire" (suffisamment proche du sujet, cependant). Elle a très bien su en jouer et il n'était vraiment pas simple de percher dans ces petites pièces : difficile de se faire une place dans les faisceaux de projos…
Côté acoustique, il y avait seulement des tapis au sol pour absorber un peu. Les pièces n'étant pas trop réverbérantes à la base (surtout avec l'équipe agglutinée dedans), elles posaient néanmoins le problème de leur petite taille associée à une géométrie parfaitement rectangulaire, à savoir de "flutter echos" et de résonances envahissantes à certaines fréquences. Gros avantage : très peu de bruit de rue et autre bruits parasites.

La post-prod audio :

Dans un premier temps, pratiquement tous le montage son a été élaboré au lycée, avec Premiere Pro, au casque et sur des petites gamelles d'ordinateur absolument immondes, dans une pièce acoustiquement inappropriée et avec le bruit de fond des autres groupes qui travaillent aussi dans les parages. Les différentes couches ont été posées dans ce contexte : bruitages (pour la plupart enregistrés par eux), ambiances (de la récup.), musiques et "sound design" (composées et jouées par eux encore), équilibrage des dialogues.

Ensuite, vu que le résultat de la première version était déjà pas mal et qu'à mon sens le film en valait vraiment la peine, j'ai invité le groupe à venir reprendre le mixage un samedi chez moi, dans ma pièce de travail (bon système d'écoute, pièce traitée). On a fait cela sur Audition, avec en gros :

- Un rééquilibrage des volumes dialogues, bruitages et ambiances.

Pour les voix, donc, les prises plateau :

- Une EQ pour passe-haut.

- Un déesser (unisexe ).

- Une compression "à tube" (logicielle) réglée assez discrète juste pour dégrossir le travail.

- Une EQ de nettoyage ("cue serré" ) par scène, pour diminuer de pas mal de dB les fameuses fréquences gênantes dues à l'acoustique de la pièce (correction de deux à quatre fréquences, c'est selon).

Genre pour la scène du repas (la plus polluée)...



- Puis encore une EQ pour le timbre, la présence...

- Enfin, un travail plus fastidieux sur l'automation de volume des voix qui est ajusté quasiment en permanence par portion de phrase : je préfère toujours ça que de le confier entièrement à la compression.

Genre...



- Un limiteur réglé à -5dB en sortie, juste pour sécu, il travaille peu.

 

Cela résume très bien ma pensée, à cela près que j'éloignerais la lumière de la simplicité. En tout cas perso, elle continue de me fiche le tracsir...

Merci encore. Je l'ai écrit sur plusieurs jours à mes heures perdues, "plusieurs fois quelques minutes" .

 

C'est top , cela confirme que le cinéma/ la fiction est l'endroit le plus exigeant de l'audiovisuel....on ne recule devant rien pour sortir le meilleur....faut pas être feignant , il faut comprendre ce que l'on veut et s'adapter tout le temps.

Cela reste une référence pour le reste de l'audiovisuel... on apprend beaucoup.

 

C'est clair ! La fiction est un sport très complet.