Restauration de deux films cultes.

Bonjour,

Je souhaite vous faire partager un petit évènement dans le monde du film animalier : la restauration et mise en vente depuis le mois de mai dernier du film "Le territoire des autres" et du film "La griffe et la dent". Ces deux films sont en vente sous forme de Blu-ray en haute définition.

Pour les plus jeunes, ont peut rappeler que "Le territoire des autres" a demandé sept ans de travail (cinq ans de tournage et deux ans de montage) et qu'il est sorti en 1970.

Ce fut une véritable révolution dans l'approche du film animalier et ceci à plusieurs titres : Tout d'abord le support film. Alors que ce type de film était tourné en 16 mm, il le fut ici... en 35 mm. Ce qui compliquait singulièrement la tâche du point de vue pratique et encombrement.

Mais cela procurait, évidemment, une qualité d'image bien supérieure à celle du 16 quand il y avait projection en salle. Et comme en plus les prises de vues, le cadrage, le graphisme des plans, leur originalité, l'exploitation de la lumière naturelle sont vraiment un régal, la qualité des images délivrées est vraiment bien exploitée.

Nous devons ce travail magnifique à François Bel et Gérard Vienne.

Le montage, lui aussi très en dehors des sentiers battus, a été réalisé par Jacqueline Lecomte.

Mais il n'y a pas que ça : la bande sonore réalisée par Michel Fano est restée dans les annales. Très originale, elle est composée de sons électronique mixés avec des sons naturels. Pas facile à décrire, il faut l'écouter. L'exploitation de l’espace stéréophonique est un modèle du genre.

Il faut bien se souvenir que nous sommes ici... plus de cinquante ans en arrière quand le projet à débuté. C'est incroyable.

Six ans plus tard, en 1976, la même équipe sort un deuxième film tout aussi remarquable. C'est "La griffe et la dent".

Tout aussi bien fait que le premier, avec les mêmes critères artistiques, techniques et sonores, ce film a quand même une particularité importante : une majeure partie des scènes est tournée de nuit pour nous montrer la vie et la chasse des grands fauves africains après le coucher du soleil.

Imaginez deux secondes ce que c'est que de tourner la nuit à cette époque, en pleine nature, sur des animaux sauvages, avec projecteur puissant, groupe électrogène, caméra 35 mm chargée en Eastman color. Et prise de son stéréophonique. On voit tout cela sur le bonus montrant l'envers du décor. Nous sommes très très loin de ce que l'on connait actuellement.

Bon, je pourrais vous en parler encore longtemps tant j'ai redécouvert avec bonheur ces deux films qui avaient marqué ma jeunesse lors de leurs sorties.

Bien entendu, pour vous en parler, cela implique que j'ai regardé ces deux films. Et je les ai regardé sur mon installation de projection. En fait la restauration a été faite avec des masters 4K mais les Blu-ray qui en sont sortis sont au format HD.

Quel bonheur ! La texture et le grain argentique sont très bien rendus. L'étalonnage colorimétrique est parfait. On a vraiment la sensation de revoir une copie d'Eastmancolor. La définition de l'image est stupéfiante et la moindre petite faute de point (il y en a forcément vu les conditions de prises de vues) se voit immédiatement.

Sur le repaire on parle souvent de l'"effet cinéma". Ici, ce n'est pas un effet mais c'est du cinéma argentique de haute volée et tournée dans des conditions totalement extravagantes pour notre époque. Et même à son époque.

Il me semble que toute personne pratiquant la prise de vues animalière où s'y intéressant se devrait de faire figurer ses deux films dans sa cinémathèque.

 

Oui, on voit tout ça dans les bonus. En fait, les deux réalisateurs avaient remarqué que les animaux ne sont pas incommodés par les projecteurs la nuit en tournant "le territoire des autres".
C'est ce qui les a amenés à tenter (avec succès) le tournage du deuxième film.

Comme quand on a des animaux la nuit dans nos phares et que l'on peut s'arrêter les observer.

Pour les micros, il y en avait aussi des gros posés sur pied.
Le bonus nous montre un lion qui devait se sentir l'âme d'un ingénieur du son et prend le micro à pleine dent et... l'embarque !

 

"La griffe et la dent", l'envers du décor - Vidéo Ina.fr

Voici "l'envers du décor" proposé par l'INA.

J'ai oublié de préciser que la restauration 4K des films a été réalisée avec le soutien du CNC.

 

La caméra est une Arriflex IIC, un des cailloux est un Takumar, la pellicule N&B vraisemblablement ce qu'il y avait de mieux à l'époque de la Kodak 4X ou de la Dupont, l'enregistreur audio, un Nagra IV S qui venait de sortir, la table de montage, une Interciné.

 

Noir et blanc ? Là tu m'étonnes, tout le film est en couleur. Et c'est drôlement bon pour de l'argentique de cette époque. Ne pas se fier aux extraits présentés sur la vidéo, rien à voir.

PS et HS : bien reçu ton MP pour le GH2. Je devrais avoir ce qu'il te faut. Je te contactes tout à l'heure.

 

Mince, j'avais l'impression que les prises de vues nocturnes étaient monochromes, dans les années 70 les pellicules négatives couleur standard 35 mm étaient la 5254 et sa remplaçante la 5247 : 100 ASA en artif ... on n'allait pas loin avec des télé-objectifs ouvrant environ à f. 4 .

 

C'est effectivement une impression que l'on peut avoir en regardant ce document et le transfert vidéo.

Mais la numérisation du master pour le BR est tout autre. Je m'attendais d'ailleurs à retrouver des images avec un grain pas possible, ce qui n'est pas le cas. Les couleurs sont très bonnes et le grain aussi contenu qu'en lumière du jour. C'est super beau. La pellicule est annoncée pour du négatif Eastman color.

Mais je crois que le projecteur pour éclairer balançait ce qu'il fallait. Et Video 92 nous le confirme plus haut.

Il y avait deux difficultés majeures :

- le suivi des animaux car le projo devait être muni d'une lentille assez directionnelle si l'on en juge par les images du film. Et les animaux ne suivent pas les indications du metteur en scène pour se déplacer...

- L'alimentation du projo, vu sa puissance. Là ils ont utilisé des groupes électrogène pour toute l'énergie dont ils avaient besoin.
Problème : si la lumière n'effraie pas les animaux, le bruit oui.
Alors il a fallu utiliser des groupes spéciaux pour le cinéma fabriqués à cette époque et qui étaient traités pour être complètement silencieux. Leur isolation au bruit avait été renforcée un peu plus pour l'occasion.

 

Et en plus l' Arriflex IIc n'est pas blimpée, peut-être que le LEM assurait la fonction, la nuit, le son porte. Vu la taille des véhicules d'accompagnement, le groupe insonorisé et régulé ne devait pas être énorme, les HMI bouffent à l'amorçage mais après ça se calme grandement, par contre la fréquence doit être stable. Avant l'arrivée des HMI, la grosse gamelle longue portée c'était le Mole-Richardson 225 (ampères !) à arc.

 

le 18 kW a remplacé le 225 mais il n'existait pas dans les années 70.