
A l’occasion du SATIS 2006, un prototype de la caméra Infinity de Grass Valley était enfin présenté. « Enfin » parce qu’au SATIS 2005 déjà le constructeur avait beaucoup parlé de cette caméra, que son approche semblait particulièrement intéressante, et que ça rendait certains d’entre nous impatients d’en savoir plus ! Le prototype qui était présenté comportait encore quelques bugs dans son menu empêchant l’accès à certaines fonctions mais semblait assez fonctionnel dans l’ensemble.
L’occasion de se faire une première impression sur la caméra, complétée des dernières informations recueillies début février auprès de Grass Valley sur certaines fonctionnalités spécifiques de la caméra.
Une caméra inscrite dans quelle gamme ?
La caméra Infinity enregistre en SD et en HD sur des supports informatiques qui remplacent la bande comme le REV Pro, développé par Ioméga et Grass Valley,des cartes mémoire Compact flash, ou des disques durs externes, dans des formats variés : DV, JPEG 2000, MPEG2.
Pour accueillir les optiques elle se base sur une monture baïonnette. "Elle est donc en mesure de recevoir les optiques SD des caméras Betacam" annonce le constructeur.
Grass Valley vient positionner sa caméra face aux modèles XDCAM HD ou certains modèles DVCPRO HD situés, selon que l’on considère avec ou sans optiques, dans une gamme de prix de 20 000 à 30 000€ environ.
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L'optique HD Fujinon qui était montée sur le prototype de la caméra Infinity présenté au SATIS.
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La Infinity nue (sans optique ni viseur) est annoncée à 20 000€ environ, le viseur NB en option étant à 3 000€. Le constructeur envisage des packs (en cours de définition) avec caméra + optique HD Canon ou Fujinon + Viseur pour une fourchette de 30 / 35 000 €.
Logiquement, le marché des chaînes de télévision est donc visé, entre autre pour son aspect quantitatif et pour l’image de marque qu’il peut apporter à un modèle ou une technologie. On a pu le voir fin 2006/début 2007sur l’appel d’offre de la rédaction nationale de France 3 avec ses 350 caméras Betacam SX à remplacer qui a été l’objet de toutes les attentions de la part des constructeurs, dont Grass Valley et sa caméra Rev Pro, ou encore de Sony et ses caméras XDCAM, ou Panasonic et ses caméras DVCPRO HD…
Pour autant, on retrouvera probablement cette caméra dans le monde de la location pour des films institutionnels et des usages variés propres à ce que les créatifs sont à mêmes de faire de ce type de matériels.
Capteurs, viseur
La caméra Infinity qui était présentée au SATIS reposait sur des capteurs 2/3 de pouce CCD IT. Depuis lors, Gras Valley a indiqué qu'il optera pour trois capteurs CMOS développé maison, nommé Xensium, de taille 2/3 de pouce. En conséquence le lancement est repoussé, annoncé désormais pour l’été 2007. Interrogé sur ce changement de capteurs, le constructeur indique que cela va permettre "de mettre la barre plus côté qualité pour cette gamme de prix. Cela diminue également la consommation électrique, ce qui compte beaucoup pour une caméra. le système optique reste le même avec la nouvelle version de la Infinity : la lumière est répartie à travers trois capteurs Xensium".
Le viseur noir et blanc de 2 pouces « reçoit l’information directement depuis la tête de caméra, via un câble HDMI » annonce-t-on. Sa qualité est digne de la gamme attendue pour une telle caméra. Le viseur est en fait vendu en option, puisque la caméra peut aussi servir de caméra de plateau ou de tournage de fiction, des conditions qui nécessitent d’autres systèmes de visée.
La prise HDMI pourra donc être intéressante pour raccorder le retour de visée à connectiques HDMI, même si par ailleurs la caméra propose aussi les habituelles sorties SDI à cet effet.
Quels formats, quels debits ?
Les formats d’enregistrement sont donc SD et HD : 525/60i 525/50i, 720p50 ou 60, 1080i 50 ou 60.
Pour le moment la caméra propose trois types de codecs, deux en série,
un en option (un point intéressant sur lequel nous reviendrons).
En série, on retrouve donc dans la caméra l’enregistrement :
-en DV 25, en 4/2/0 8bits en 50Hz et en 4/1/1 8bits en 60Hz.
-en JPEG 2000 SD et HD, en 4:2:2
En option, une carte permet de rajouter le mpeg 2 SD et HD.
JPEG 2000
Le format JPEG 2000 a par exemple été retenu comme format de diffusion pour le cinéma numérique. Cependant, il faut rester mesuré dans les comparaisons car le JPEG 2000 peut être exploité avec différents débits et résolutions. En cinéma numérique il est utilisé en 2K ou 4K, sur la Infinity la résolution maximale se limite pour le moment au 1080i 50 comme indiqué précédemment.
Le JPEG2000, pour le tournage SD ou HD, est bien entendu l’un des aspects attrayant de cette caméra. Ce format permet en effet de disposer d'un format qui n'est pas dépendant d’un GOP, ce qui est peut être appréciable en HD et constitue donc une approche différente au mpeg2 (utilisé pour le HDV ou le MPEG-HD utilisé par les caméras XD-CAM HD).
L'autre atout du format JPEG 2000 de la caméra Infinity est son échantillonnage en 4:2:2, 10 bit, en SD comme en HD. Cela permet d'envisager en post-production de bonnes surprises pour de la correction colorimétrique, ou les incrustations, les sources étant captées avec un nombre conséquent d’informations et à des débits élevés en SD comme HD (voir plus bas).
Cependant ce format est réputé lourd à gérer, particulièrement en post-production. Par ailleurs, la post-production de ce format pose quelques questions : sous quels délais les logiciels de montage le gèreront-ils ? Quelle sera la puissance machine nécessaire pour monter du JPEG2000 issu de la Infinity ?
Le MPEG2 en option
L’enregistrement au format MPEG2 est proposé en option, se matérialisant sous la forme d’une petite carte additionnelle venant se loger dans un emplacement à l’avant de la caméra. Il devient ainsi possible d’enregistrer au format standard MPEG2 I-Frame ou MPEG2 Long GOP.
En SD, il est proposé en 4:2:0 ou 4:2:2, par contre en HD 1080i 50/60, et 720p 50/60 en 4:2:0 uniquement.
Cette philosophie de cartes additionnelles intégrant de nouveaux codecs à la caméra augure d’une évolution possible de la caméra sur les formats pris en charge et cette approche paraît intéressante.
Le constructeur travaille également sur la prise en charge du 1080 en progressif à 24,25 et 30 images/s.
Choix des débits d’enregistrement, jusqu'à 100Mb/s en HD
Le menu de la caméra permet de choisir le débit d’enregistrement pour le MPEG2 ou le JPEG2000.
Lors du SATIS, la caméra présentée proposait pour la HD un débit maximal de 75Mb/s, Grass Valley annonçait travailler sur un débit de 100Mb/s. Interrogé à ce propos début février, le constructeur indique que la caméra Infinity intègre désormais la fonctionnalité d'un débit de 100Mb/s pour le JPEG 2000, pouvant être enregistré sur disque REV Pro, cartes mémoire Compact Flash ou sur disque externe USB ou firewire.
En conséquence, la caméra propose donc 3 débits possibles en HD en JPEG 2000: 50Mb/s, 75Mb/s, 100Mb/s.
En mpeg2 HD, on dipose de 50Mb/s et 75Mb/s; il semble qu'il ne propose pas le 100Mb/s.
En SD, le JPEG 2000 comme le MPEG 2 sont proposés à 25Mb/s et 50Mb/s.
Pour comparaison, revenons par exemple sur le format d’enregistrement utilisé par Sony avec ses caméras XDCAM HD. Le constructeur nomme ce format « MPEG-HD » avec un logo maison à l’appui. Le MPEG-HD, est un mpeg2 reprenant le même GOP que le HDV au format 1080, 50 et 60i. Il s'agit d'un format en 4:2:0, à nouveau comme le HDV, avec au choix 3 débits : 35 Mbps VBR , 25 Mbps CBR, 18 Mbps VBR. Par contre, contrairement au HDV l’audio est enregistré en non-compressé (voir cette news : http://www.repaire.net/forums/nouvelles-fraiches/105266-camera-sony-pdw-f330-nouveau.html).
Une upgrade (mise à jour payante) est annoncée par Grass Valley pour proposer l’enregistrement en 1080p 24, 25 et 30.
Les supports d’enregistrement
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Les supports d'enregistrement qui peuvent être exploités dans la caméra : Rev Pro à gauche, slots Compact Flash à droite.
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Thomson joue la carte de l’ouverture. A l’image de la démarche d’utilisation de formats courants (mpeg2 et DV) et d’un format que les autres constructeurs de caméras n’exploitent pas (le JPEG 2000), on trouve un support d’enregistrement que seul Thomson exploite sur sa caméra (le REV PRO) mais aussi des supports plus courants. En effet, on peut aussi enregistrer sur des cartes Compact Flash, un disque dur USB relié à la prise USB device, ou encore un disque dur firewire.
Le REV PRO
La cartouche REV PRO propose une capacité de 35Go, soit 2 heures de DV ou ¾ heure de HD 1080 à 75Mb/s.
Créées par Ioméga, les cartouches REV sont en fait des mini disques durs sous forme de cartouches de taille 2 pouces ½. La caméra Infinity est d’ailleurs pleinement compatible avec les cartouches REV standards.
Le démonstrateur Thomson a insisté sur le fait que le moteur est intégré à la cartouche et non à la caméra. Il y a eu en effet par le passé des problèmes avec des technologies Ioméga avec le moteur intégré au lecteur/enregistreur. Si celui-ci était déréglé et tournait à la mauvaise vitesse, la cartouche devenait illisible sur un autre lecteur. Avec le moteur intégré dans la cartouche, ce cas de figure semblerait donc impossible.
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Une
"cartouche" REV Pro de 35 Gigas, et un lecteur externe USB2 de REV Pro.
Il existe aussi des lecteurs internes à connectique IDE ou SATA.
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Le REV Pro est basé sur un cahier des charges plus exigeant que le REV standard. La coque du disque est durcie, le débit est amélioré (gestion de la mémoire tampon). Grass Valley indique un débit garanti de 110 Mb/s et un débit soutenu pouvant atteindre (au milieu du disque) 200 Mb/s. Le niveau de sécurisation inclus deux niveaux de mots de passe (utilisateur + session/admin), un effacement sécurisé bit à bit, une mécanique renforcée. Il est annoncé pour 1 Million de réécriture, une durée de vie de 30 ans, 15 000 insertions / réinsertions.
Le prix d’une cartouche est annoncé pour 50€ à l’unité, 45€ par dix.
Si Ioméga venait à arrêter le développement des cartouches REV Pro, Grass Valley est co-dépositaire de la technologie et s’engage donc à reprendre la chaîne de production.
Un test séparé du lecteur externe USB 2 de REV Pro en photo ci-dessous sera proposé dans quelques temps.
Cartes Compact Flash
La Infinity peut accueillir jusqu’à 4 cartes mémoire CF. Dans certaines conditions extrêmes, les cartes CF peuvent dépasser les limitations rencontrées avec les cartouches REV Pro. Les cartes mémoires peuvent en effet garantir un tournage jusqu’à 4500 mètres d’altitude, des conditions de fortes poussières et de fortes vibrations.
Suite du tour d'horizon
Les petits + bien penses.
Le menu de la caméra est accessible par une interface programmée sous Windows CE, le système d’exploitation Microsoft pour appareils mobiles. Pas d’inquiétude, le cœur de la programmation de la caméra est lui basé sur un noyau linux ;-) !
En conséquence, la caméra propose via une clé USB Bluetooth un pilotage à distance de la caméra avec son Pocket PC (tournant sous Windows CE) sur lequel peut tourner un logiciel reprenant le menu de la caméra. Un exemple d’utilisation intéressant : un ingénieur du son raccordé à la caméra par un système sans fil, peut suivre sur un PDA les vu-mètres audio, et au besoin ajuster les niveaux d’entrées à distance en pilotant le réglage depuis son PDA. Astucieux…
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Un
PDA qui reçoit en Bluetooth les menu de la caméra Infinity, et qui
permet donc de piloter des réglages à distance, comme les niveaux audio.
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En soit un fichier vidéo est constitué d’une multitude de petits clips invisible de 10s. Le but est de préserver un enregistrement même si un pépin devait interrompre l’enregistrement de manière impromptue. Dans ce cas, seules les dix dernières secondes de son enregistrement seraient en fait perdues.
Bien vu aussi la création de la vignette représentant le plan vidéo, elle n’est pas basée sur la première image.
Des temps de démarrage et d’initialisation qui semblent longs.
Grass Valley annonce un temps de démarrage de la caméra de 20s. Mais si la caméra a été placée en mode standby il sera ramené à seulement 4s.
Le temps d’initialisation d’une cartouche REV Pro, prend lui 12s.
Grass
Valley a donc prévu un buffer de 384 Mo, soit 2 minutes de DV 25, ou
30s en HD. Cela peut être pratique pour récupérer les précieuses
secondes d’un tournage démarré avec retard (le début d’un discours par
exemple). A voir s’il sera suffisant à l’usage pour le changement d’une
cartouche REV PRO pour un tournage en continu.
Sinon,
l’enregistrement sur disque dur pourra être une alternative pour un
long tournage en continu ne pouvant souffrir aucune interruption, c’est
tout l’intérêt de cette philosophie d’enregistrement sur de multiples
supports.
L’audio
La caméra dispose de quatre canaux audio. Pour chaque canal on affecte une entrée audio de son choix. Les entrées en question son en XLR : deux XLR à l’arrière, une XLR à l’avant que l’on peut choisir mono ou stéréo (choix 3 ou 5 broches à demander à la commande de sa caméra).
Appréciable, le petit haut parleur intégré dans le cœur de la caméra, comme cela se retrouve chez d’autres constructeurs, et qui se trouve à hauteur de l’oreille lorsqu’on la porte à l’épaule, ce qui peut toujours dépanner. Dans le même esprit un petit micro interne permet d’enregistrer des notes audio ou placer des marqueurs audio sur ses plans vidéo.
Connectiques
Là aussi la caméra Grass Valley se montre particulièrement complète, on l’a déjà évoqué pour l’audio, ou pour les prises USB et firewire (pour y raccorder un disque dur externe)…
Une prise réseau gigabyte permet le transfert de fichiers, mais à terme elle devrait aussi assurer du streaming.
Si on veut en faire une caméra de studio, on retrouve aussi le pilotage en OCP400.
Lecture et édition des plans vidéo
On
retrouve les mêmes fonctions d’édition que sur les produits Turbo (un
magnétoscope lisant les supports Rev Pro, même aussi les DVD) ou K2.
Le menu permet d’afficher tous les clips vidéos enregistrés sous formes
de listes avec vignettes, et informations diverses (TC etc), et donc de
se rendre directement à la vidéo de son choix pour la lire. C’est tout
l’intérêt d’un enregistrement qui ne se fait pas sur bande, avec la
même approche qu’ont à ce propos le P2 ou le XDCAM, respectivement de
Panasonic et Sony.
La caméra peut réellement servir d’outil de pré-montage puisque pour chaque clip on peut placer des points IN/OUT, créer des sub-clips, puis faire une “playlist” qui sera reprise par son logiciel de montage. Les modalités précises de ce dernier point restant cependant à préciser selon le logiciel de montage utilisé.
Conclusion
Dans ce domaine des caméras haut de gamme enregistrant sur médias numériques et non sur bandes, cette caméra Infinity laisse une bonne impression suite à ce tour d’horizon de son prototype.
Certes elle a son propre support d’enregistrement en REV Pro, mais présente l’avantage de ne pas s’y limiter et d’être ouverte vers d’autres supports standards (cartes CF, disques durs USB et firewire).
Même sentiment favorable sur l’approche des formats d’enregistrement, le pari du JPEG 2000 en SD et HD d’un côté, mais le MPEG 2 (en SD et HD) et le DV par ailleurs.
Les débits d’enregistrements, jusqu’à 100Mb/s pour le JPEG 2000, sont également des bases attirantes côté captation. Cela laisse augurer de bons comportements de l’image en post-production pour les corrections colorimétriques ou des effets.
Par contre, elle nous a semblé assez lourde, ce qui mélange avantage (stabilité) et inconvénient (faut être costaud !!)…
Enfin, avec ce choix récent de Grass Valley de changer les capteurs de la caméra, en optant pour du CMOS conçu maison, laisse un certain nombre de questions en suspens...
Octobre 2006-Février 2007 / Sébastien Gaillard
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