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"Le procès"

Discussion in 'Repairenautes cinéphiles' started by HOuartna, Sep 8, 2003.

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  1. HOuartna

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    Le Procès (1962)
    d’Orson Welles


    L’univers de Franz Kafka est plus que tout caractérisé par son ambiance. Le mystère de l’intrigue, le trouble qui règne chez les personnages, leurs incertitudes mais aussi leurs convictions tenaces et énigmatique, les lieux clos, ou encore les grands espaces vides, les être fantomatiques… C’est tout cela que Welles porte à l’écran. J’irai même plus loin que cela, il transcende cet univers littéraire, en lui apportant un souffle cinématographique.

    Welles entretient ce mystère propre à Kafka, mais loin d’en faire l’enjeu principal de son film, il en sort très rapidement, pour ne finalement se focaliser que sur le personnage de K., autour duquel s’installe tout les doutes. K., un jeune directeur adjoint sans reproche, se voit arrêté par la police à son réveil. Ne comprenant pas ce qui lui arrive, K. essaiera de déchiffrer les motifs de son accusation, aussi bien que son accusation elle même – ce que personne n’est prêt à lui révéler, pas même son avocat – et se verra bien plus impertinent mais aussi inquisiteur que les autres accusés. Bien sûr, plus il avance dans ce gigantesque labyrinthe juridique, plus il s'y perd.
    K. incarne le point de vue pendant tout le film, si bien que l’on pourrait émettre des doutes quand à ce qu’il voit, quand à ce qu’il nous donne à voir, car ce monde qu’il a sous les yeux est si étrange, et pourtant si réel – on pourrait s’interroger sur ces impressions de réels. La suggestion de Mrs Uckler, au début du film, selon laquelle K n’était en fait pas encore réveillé lors de son accusation, est peut-être finalement la plus probable, d’autant que cette proposition ne réapparaîtra plus dans le film par la suite. C’est bien parce que nous plongeons dans la vision de K que le film se charge d’une si dense et si lourde charge de vision cauchemardesque.

    Si Welles place son personnage principal au premier plan (et ceci nous est montré maintes fois : plans subjectifs, pertes de contrôle évoqué par une caméra à l’épaule, ou encore par une bande-sonore riche et fourmillante, etc.) il n’en oublie pas pour autant la mise en scène, c’est-à-dire sa propre personne. Il est un metteur en scène qui apparaît doublement dans son film : tout d’abord en tant que personnage, autoritaire et résigné, celui de l’avocat ; mais aussi dans une voix off, racontant au début un conte (métaphorique, celui de K. ?), puis fermant le film en lisant à haute voix le générique, et ainsi en se présentant comme acteur et réalisateur. Welles signe son œuvre de manière magistrale, tout en l’articulant de l’intérieur. Je m’explique : le personnage de Welles n’est pas omniprésent dans le film. Pourtant, nous avons l’impression, d’une certaine manière, qu’il est omniscient. Tout ce qu’il dit, ou que l’on dit de lui (notamment sa domestique, Léni), semble rejoindre cette idée. Si on lui adjoint, en plus de cela, le rôle du metteur en scène (car chez Welles, on a toujours l’impression que les deux se confondent un peu – voir les contre-plongées employées à l’égard de ses personnages, notamment dans Citizen Kane), il devient évident qu’il est partout, derrière cette grande machine bureaucratique, derrière ce grand dispositif judiciaire.

    Le système que met en place Orson Welles est ingénieux à plus d’un titre : conforme au dispositif cinématographique, il s’appuie sur le temps, et l’espace. Bien sûr, l’univers de Kafka joue de ces deux paramètres, car peu de références temporelles sont données dans ses livres, et le temps se comporte parfois curieusement, s’étirant ou au contraire se densifiant ; quand aux espaces, ils sont bien décrits, et s’emboîtent les uns dans les autres en s’opposant (petit/grand ; bruyant/silencieux…). Welles fonctionne également sur ce système d’opposition (pensons au petit cagibis de torture – dans laquelle les sbires qui ont arrêtés K. se font fouettés –, pièce attenant au gigantesque entrepôt où s’acharnent des centaines d’employés sur leurs machines à écrire – mais il y rajoute une dimension cinématographique : le traitement de la profondeur de champ pour évoquer un sentiment de perte (de repères, de destination) ; les espaces mis bout à bout.

    Il y aussi du burlesque dans tout cela. Les situations, les comportements ou même les apparitions de certains personnages sont inexplicables (exceptés peut-être par leur symbolique). Parfois, le burlesque va si loin qu’il tourne au tragique, comme dans ce moment ou K. traverse une cour peuplé d’être torses nus et immobiles, portant une pancarte marquée d’un nombre autour du cou. Au centre de ses personnages se trouvent une sorte de statue avec des ailes, qui semble veiller sur eux. Ils ne bougent pas d’un souffle, il sont comme morts, inanimés. Cela est à la fois subjuguant et dérangeant. Mais si l’art du burlesque est celui de la répétition – le slapstick – Orson Welles reprend ce principe à son compte, mais dans une toute autre direction. C’est dans la répétition des motifs du début du film, à la fin, qu’il fait référence à cela. On y retrouve la statue-ange, mais seule. On y retrouve également le conte qu’Orson Welles narre lui même au début.
    Ce conte fataliste est repris par son personnage de l’avocat,. K. déclarant par ailleurs que ce conte fait partie de l’imaginaire commun. Mais il ne réalise pas qu’il est au centre de cette histoire. Le film est centripète : au début narrateur, Orson Welles se fait à la fin personnage actif de l’histoire, qui guide K. vers son destin, en lui remémorant ce conte cruel de l’homme qui attend toute sa vie devant les portes de la Loi en se faisant dire au moment où elles se ferment : c’est toi, toi seul, qui aurait pus franchir cette porte (« This door was intended only for you »). Phrase énoncée par le narrateur Orson Welles – s’adressant au spectateur – puis par le personnage Orson Welles – s’adressant à K. Ce passage du monde extra-diégétique au monde diégétique est un procédé de mise en scène incroyable, permettant au spectateur de plonger dans l’angoisse de K., et de nous entraîner ainsi dans sa chute, c’est-à-dire la fin du film. Les images du conte sont projetés sur un écran, sous la main de Welles lui même, comme au temps des bonimenteurs du muet. K., dans une magnifique mise en abyme, se trouve dos à dos avec cet écran sur lequel fut projeté les images du conte, autrement dit son histoire, autrement dit le film lui même.

    Le personnage de Welles ajoute :
    « We needn’t accept everything as true, only as a necessary”
    Ce à quoi K. lui répond :
    « What a miserable conclusion : it turns lying into a universal principal. »

    A nous maintenant d’en juger.
     
  2. Usul

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    Joli ;) puis, pour moi qui n'ai pas vu ce film,
    tu parviens à m'y intéresser sans pourtant
    trop dévoiler le scénario.

    Je crois que ce film a été qualifié "d'expressionniste"
    (comme Nosferatu, Caligari ou Metropolis) pour
    son atmosphère sombre, sa recherche humaniste
    et sa profondeur psychologique...

    En tout cas, il faut que je trouve à tout prix
    le moyen de le voir, et j'irais faire un tour à la
    médiathèque d'Aix en Provence quand j'irai
    m'y installer. Je n'ai vu que "Citizen Kane"
    de Welles, et bien que son génie m'échappait
    au début, j'ai ensuite pu observer la qualité
    et le talent de Welles pour la réalisation,
    ses jeux de lumières et la notion de profondeur
    de champs qu'il utilise avec merveille pour
    faire évoluer la scène sur plusieurs plans,
    souvent en s'amusant de la perte des perspectives
    pour nous donner l'impression d'une incohérence visuelle.


    En ce qui concerne Kafka, je suis dans le même
    cas. Je n'ai lu que sa "Métamorphose", un livre
    simple et sublime par la perplexité qu'il engendre.
    C'est d'ailleurs ce livre qui nous a inspiré moi
    et mon ancien colloc pour faire notre court métrage
    (une fille qui change sans que personne ne s'en
    aperçoit).
    J'ai le "Journal" de Kafka sur ma table de chevet
    et je ne vais pas tarder à l'attaquer :D

    Cet auteur est vraiment particulier.

    J'ai vu aussi le film de Soderbergh, qui n'est pas
    un chef d'oeuvre, mais qui n'est pas mal quand même.
    L'ambiance y est aussi très ambigue, entre le
    complot et la paranoïa. Le réalisateur joue avec
    l'esthétique de l'image, et le film possède la plus
    fabuleuse transition entre deux séquences que je
    n'ai jamais vu :) (lorsque Franz suit des yeux
    le chariot)
    Malheureusement le scénario manque de souffle
    sur la fin et le dénouement se trouve être un
    peu facile, et même un peu niais.


    J'aurais bien dire quelques mots sur "Le procès" :rolleyes:
    je le ferais lorsque je l'aurais vu ...
     
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