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- "Goodbye Lenin!"

Discussion in 'Repairenautes cinéphiles' started by HOuartna, Sep 16, 2003.

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  1. HOuartna

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    Goodbye Lenin!(2003)
    de Wolfgang Becker



    Comment l'Allemagne d'aujourd'hui ressent-elle les événements passées? Wolfgang Becker nous livre ici une réponse cinématographique à cette question, et met tout en œuvre pour faire ressurgir un brin de nostalgie du passé, imbriqué dans un présent dont l'issue n'a pas toujours était évidente, et aurait pu – peut-être – s'accomplir autrement.


    L'histoire du film Goodbye Lenin! est centrée sur l'événement de 1989: la réunification. La mère d'une famille vivant en RDA, dont le père est parti pour la RFA à la fin des années 70, est atteinte d'un infarctus, et plonge dans un profond coma. Ne se réveillant que 8 mois après, elle est passé à côté de tout les événements liés à la réunification. Son fils, Alex, entreprend la lourde tâche de ce que sa mère n'apprenne rien des événements récents, pour ne pas qu'elle subisse un choc émotionnel qui pourrait lui être fatal. Ainsi, dans ce lourd présent qui voit l'échec du "realsocialism" (dont la mère était une fervente partisante), le fils, avec l'aide d'une sœur dubitative, va tenter de reconstruire l'ancien dans le nouveau.

    Là est toute la beauté du film de Becker: dans cette idée que l'ancien n'est ni totalement achevé, ni pesant lourdement sur le présent, mais qu'il peut être une évocation poétique, une suggestion de "ce qu'aurait pu être le monde si…". Un discours très emballant, qui joue sur deux éléments propres au cinéma: le temps et l'espace. Le temps puisqu'il s'agit d'essayer de faire revivre le passé dans le présent: une sorte de supercherie dont tout les artifices seront nécessairement d'ordre matériel, feront appel à des agencements particuliers, à une mise en place de l'espace particulière. Car pour faire ressurgir le passé, on fait appel à des signes de ce passé: des boîtes de cornichons, des habits, des meubles…
    Mais ce passé n'est pas compatible avec le présent: ainsi, en même temps que cette thématique "d'apparition" intervient celle de la "disparition". Éliminer toute trace qui pourrait poser un doute sur la véracité de l'époque. Dans ce jeu contradictoire d'apparition/disparition va être mis en œuvre un truchement des médias. Grâce à un copain passionné de vidéo, Alex va créer une série de faux journaux télévisés, dont sa mère sera l'unique spectatrice (ce que déplore à un moment donné son ami réalisateur: "C'est mon meilleur film. Dommage qu'il n'y aura que ta mère pour le regarder!"). Peu à peu, la fiction (un journal qui adapte les découvertes de la mère sur le monde transformé qui l'entoure) rejoint la réalité, pour se recouper avec elle: le mur tombe le jour de l'anniversaire de la réunification, mais ce ne sont pas les allemands de l'Est qui fuient vers l'Ouest, mais les Allemands de l'Ouest qui fuit vers l'Est, pour profiter du beau pays des travailleurs! Utopie joliment réalisé, utopie pour sauver une vie, celle de cette mère.
    Même si elle est amené à mourir quelques jours après, son fils aura la satisfaction de ne pas avoir vu sa mère malheureuse, qui aurait vu sa vie entière démolie par la nouvelle de la réunification et de la chute du Parti.

    Une très belle scène illustre d'ailleurs le danger du choc que la mère aurait eu si elle était confronté à la réalité, au présent du monde extérieur: voyant sa petite fille faire ses premiers pas, la mère décide à son tour de sortir du lit et de marcher un peu. C'est ainsi qu'elle se retrouve dehors, découvrant les affiches Coca-cola, Ikea, et autres images significatives du capitalisme. Grâce à un habile montage alterné – mettant en place la mère d'une part, son fils et sa fille d'autre part – et au beau crescendo émotionnel de la musique de Yann Tiersen, le spectateur se dit que tout est joué, que la mère va y passer. Dans le climax de cette scène, un hélicoptère surgit de derrière un immeuble, une statue géante de Lénine suspendu par un câble y étant attaché. Faisant référence au début de La Dolce Vita, de Fellini – un hélicoptère porte une statue de Jésus – Becker crée une scène troublante, presque irréel (cette représentation démesuré du socialisme qu'est la très grande statue en bronze de Lénine) et hyperbolique (la caméra suit la statue qui vient passer à grande vitesse juste sous les yeux de la mère), tout cela dans un chaos sonore éprouvant (le bruit de l'hélicoptère mêlé à la musique symphonique de Tiersen de plus en plus vibrante).
    C'est ce genre de scènes à la réalisation brillante qui rattrape les quelques maladresses qui parsèment le film.

    Des effets trop appuyés (la mère d'Alex sort de son coma en cassant un vase lorsque celui-ci embrasse l'infirmière pour la première fois), des effets inappropriés (des plans accélérés, qui traduisent par moment une sorte de frénésie, par d'autres moments pas grand chose…), ou encore des intentions trop marqués contrastent avec le reste de la mise en scène pourtant très bonne. Mais ces défauts donnent au film un cachet, une personnalité qui se transforment au long du film en une touche du réalisateur plutôt appréciable. Car si ces défauts sont présents pendant la première partie du film, ils ont tendance à s'estomper vers la fin.

    Autre scène marquante: pour leur première soirée "romantique" (dans une boite bruyante de Berlin-Ouest), Alex et Lara montent sur les toits, et s'assoient sur un rebord. A la fin de la scène, on découvrira qu'ils sont assis dans un salon mitoyen au Mur, les pieds dans le vide, face à Berlin-Est. Le travelling arrière qui les relève sur cette limite politique (socialisme/capitalisme), géographique (Est/Ouest), temporelle (passé/présent) autour de laquelle se joue tout le film, met en valeur les deux personnages et leur union (qui est aussi celle de la réunification?)

    Le réalisateur met admirablement en scène tous ces personnages, et particulièrement celui d'Alex, qui se démène pour le bonheur de sa mère (retrouver des produits alimentaires qui n'existent plus, éviter que sa mère accède aux médias, qu'elle voit ce qui se passe dehors – la vue de sa chambre n'en est pas révélatrice – et corriger le tir en cas d'impair), et émouvant de sincérité. Tous ceux qui l'accompagnent, que ce soit sa sœur ou sa petite amie, ils ont tous un doute, à un moment ou un autre, de l'utilité de l'action d'Alex, de son acharnement. Il est dur pour eux de devoir mentir si profondément à un être cher, mais il leur est aussi douloureux de se rappeler le passé en des temps changés. Les personnages du film de Becker témoignent d'une vraie difficulté à tourner la page, difficulté relayée par les actions du frère, dont les incursions dans le passé pèsent dans le présent. Ces préoccupations apparaissent très clairement comme le portrait des Allemands de l'Est il y a dix ans (voir même des allemands d'aujourd'hui), ou du moins d'une partie des Allemands. C'est une sorte de témoignage dont Bernd Lichtenberg a écrit le scénario, et que Wolfang Becker a mis en scène.
    Témoignage dont l'issue est plutôt heureuse: malgré la mort de leur mère, qui semble inévitable, Alex et sa sœur ont réussi à recoller les morceaux, à s'y retrouver dans cette histoire compliquée de leur pays, dans l'histoire compliquée de leur famille. Les montages des faux journaux télévisées sont une manière pour Alex, puis pour les autres, de décompresser, de mettre à jour ce qu'auraient été leurs espérances. Ils se mettent peu à peu à construire quelque chose, et c'est ce quelque chose qui va remplir le trou qu'a laissé la chute du mur. Bien que quelque part, cette réunification fut bénéfique pour la RDA (accès au Deutsch Mark, élévation du niveau de vie, fin des répressions…), une certaine nostalgie de l'idéologie socialiste demeure, d'une autre époque, une autre culture, qui a brutalement pris fin.

    L'arrivée sauvage du capitalisme, "l'ennemi", est dure à entendre. C'est pour cela qu'il est magnifique de voir la tendance inversée par Alex et son ami réalisateur: c'est l'Ouest qui accourt vers l'Est, c'est le capitalisme qui se range à l'idéologie socialiste. Ce n'est plus la mort de l'un pour l'autre (le socialisme pour le capitalisme) mais bel et bien l'engouement de l'un pour l'autre (le capitalisme pour le socialisme!).

    Cette vision des choses ne manque pas d'humour. Le spectateur finit par se laisser prendre au jeu, et croire quelque part à cet histoire renversé, la défaite de l'Ouest, la victoire du bloc communiste. Tout cela est frais, détaché, comme si suffisamment de temps avait passé pour que le réalisateur ait le recul nécessaire à cette vision des choses. On ressent, à la fin du film, l'impression d'une Allemagne en devenir, dans laquelle tout est encore à accomplir, en puisant un peu dans le passé pour alimenter le présent.

    Une autre vision de l'Allemagne et de son histoire nous est ici donné par Goodbye Lenin!, un film à la mise en scène originale bien que classique, à l'idéologie moderne bien que passée. La maxime du film pourrait être la suivante: on peut très bien vivre avec le passé sans sombrer dans le conservatisme, profiter du présent en le liant au passé. Le cinéma est l'art le mieux placé pour exprimer cette idée, éminemment cinématographique.



    REVUE DE PRESSE (extraits)

    Les Inrockuptibles

    "(…) cette manière simpliste de réduire le communisme à un musée du kitsch (…) a finalement un goût aussi amer que la transformation de Che Guevara en icône de T-shirt. Perversité ultime du capitalisme, qui réécrit l'histoire en assimilant le communisme à un style décoratif. C'est assez malsain." Vincent Ostria

    Positif

    "Les éléments de la comédie sont en place: l'état de santé de la malade lui interdisant les émotions violentes, c'est tout naturellement que va s'imposer la nécessité de lui dissimuler l'évolution politique de l'Allemagne et de reconstituer pour elle, dans sa chambre hâtivement redécorée "à l'ancienne" (dans un mouvement accéléré, souligné avec allégresse par la musique de Yann Tiersen), un univers qui n'a pas mis beaucoup plus longtemps à disparaître. Ses nombreuse qualités permettent au film d'être bien plus qu'une agréable comédie de situation." Catherine Axelrad

    Les Cahiers du cinéma

    "La force du film est de problématiser le genre (la comédie) et la politique (quel va être notre avenir?) comme une seul et même affaire d'espace. A l'espace politique déchu de l'Etat-prison succède l'espace familial qu'il faut réinventer. (…)
    Le cinéaste tente alors de reconstruire une identité à l'échelle des sentiments: identité de son héros écartelé entre réalité d'aujourd'hui et appartenance issue du passé, identité de l'Allemagne divorcée d'elle même." Sébastien Bénédict

    Le Monde

    "Servie par de bons acteurs et par l'ingéniosité de son scénario, cette farce désillusionnée pose, en termes philosophiques, la question de savoir s'il vaut mieux vivre du fol espoir d'obtenir un jour la commande d'une Trabant, ou assouvir sans délai son désir de conduire une Mercedes. La réponse à cette question désespérante compte moins que le fait qu'elle fait qu'elle soit posée aujourd'hui par un réalisateur d'une Allemagne réunifiée où les lendemains n'en finissent pas de déchanter." Jean-Michel Frodon

    Première

    Certes, la mise en scène est purement fonctionnelle et la prédilection de Becker pour la caricature empêche le film d'atteindre une dimension réellement corrosive. Ce n'est donc pas du Fassbinder (qui, avec un tel script, aurait sans doute signé un film majeur) mais en tout état de cause une fiction futée où le crescendo illusionniste sert un constat plus amer que cocasse sur les mirages de la réunification." Olivier de Bruyn

    Aden

    "L'imaginaire se mêle au politique, la nostalgie à la critique sociale et la chronique familiale à l'évocation d'une mutation à la fois intime et générale. D'où un film allemand comme on en a rarement vu, joyeux et mélancolique, parfois acerbe: on dirait une comédie italienne."
     
  2. Usul

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    il y aurait été sympathique que tu rajoutes
    juste un zeste de ton opinion personnelle...

    sinon, je n'ai rien à ajouter et tout cela est enthousiasmant :D


    J'ai vu "Goodbye Lenin!" recemment dans un
    cinéma d'Aix-en-Provence où fleuvent les films
    "indépendants" et où je risque d'user les fauteuils
    durant l'année à venir. Fini donc les histoires de
    fantômes, de pirates, d'intelligences articificielles...
    et tout blockbuster de toute sorte.
    C'est rafraichissant de voir que l'on peut aussi
    avoir accès (dans les grandes villes) à des
    films plus subtils, plus drôles, plus émouvant
    ou tout simplement, plus proche de l'art
    cinématographique.


    Comme le dit Olivier de Bruyn "Goodbye Lenin!"
    n'est pas un film majeur. Mais il a son charme,
    son style, et son originalité qui font que l'on
    passe un agréable moment.
    Ce que j'ai le plus apprécié c'est que le
    réalisateur n'en fait jamais trop, son film est
    drôle sans être vulgaire, sentimental sans
    être mélodramatique et original sans être
    hermétique. Ce que je croyais plutôt rare
    à notre époque.

    Tiersen y est aussi présent sans pourtant
    surplomber l'image, et le protagoniste est
    attachant sans être (trop) caricaturé.
    J'ai trouvé que "Goodbye Lenin!" est
    un agréable et subtil mélange de beaucoup
    de choses et de sujets différents.


    Il manque seulement un peu d'ambiguité chez les
    personnages et des rapports historiques plus
    complexes qui en auraient certainement fait
    un très bon film, alors que l'aspect principalement
    divertissant nous retire tous les questionnements
    qui auraient du être engendré par le scénario.
     
  3. HOuartna

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    Pour le zeste...

    Et bien... je pense que mon opinion transparait plus ou moins à travers ma critique mais je veux bien l'expliciter :) :

    Il me semble que ce film est avant tout un film sur les relations humaines, et tout particulièrement sur les relations familiales. Bien sûr, ces histoires personnelles se déroulent sur une toile d'éléments historiques importants, ce qui n'est pas anodin. Mais la détermination d'Alex à cacher la réalité à sa mère prouve bien que le réalisateur se focalise plus sur ce huis clos que sur une quelconque nostalgie de l'Allemagne de l'Est, ce dont le réalisateur se défend: il n'a pas voulu faire un film "nostalgique", et effectivement le propos n'est pas là.

    Du coup, j'ai personnellement beaucoup apprecié les acteurs, qui je pense on été TRES bien dirigé par Becker. Les personnages sont bien construits, et les relations qui se tissent entre eux habiles. Ce sont les liens qui se nouent entre eux, avec l'intrigue qui les encadre, qui rend le film plutôt "prenant".
    Donc,
    Je suis plutôt d'accord avec toi.

    Cependant,
    Je trouve plutôt appréciable le détachement historique dont fait preuve Becker: preuve que les allemands peuvent enfin revenir sur leur passé avec du recul, de l'humour, revenir sur le sovietisme en soulignant la repressivité du régime, et en réinventant un sovietisme démocratique, vu comme un idéal à la fin du film (joliment réalisée par ailleurs).
    L'ambiguité chez les personnages... je vois ce que tu veux dire. J'en parle dans ma critique quand je parle des intentions un peu trop marqué du réalisateur. C'est vrai que, malgré une réalisation assez bonne, il aurait pu user d'un peu plus d'implicite. Car beaucoup d'effets appuient inutilement la psychologie des personnages ou l'évolution de l'intrigue. C'est dommage, même si le film se veut grand public, il n'a pas besoin d'en passer par là! Le spectateur est un peu pris pour plus bête qu'il n'est... Mais c'est peut être le cas, je ne l'espère pas en tout cas... Et ne le pense pas de toute façon :);)
     

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