module inscription newsletter haut de page forum mobile

Ateliers et Formations

Mémoire sur la transparence des effets spéciaux

Discussion dans 'Esthétique / artistique dans le cinéma et la vidéo' créé par camdarley, 26 Mai 2007.

Tags:
  1. camdarley

    Points Repaire:
    550
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    41
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Bonjours

    Je suis actuellement en train de rédiger un mémoire sur la transparence des effets spéciaux au Cinéma.
    L’effet spécial a aujourd’hui atteint une telle importance dans la production cinématographique qu’il peut se permettre d’apparaître sous plusieurs formes, variant selon l’intention du réalisateur qui elle-même est bien souvent soumise à la réalité financière de la production.
    On peut ainsi avoir autant une utilisation exhibitionniste de l’effet spécial, dont l’intérêt repose alors sur l’aspect fantastique ou merveilleux de son utilisation, donnant a la scène truquée une dimension d’irréalité chère au films de science fiction par exemple, qu’une utilisation plus que discrète, transparente, que ce soit pour masquer des défaut de tournage ou pour ajouter des élément impossible à tourner.
    Il existe évidemment tout un panel de dégradés entre ces deux conception, qui en plus de leur différence au niveau technique, relève d’une conception différente de l’effet spécial comme acteur du film.
    C'est pourquoi je solicite votre aide, repairenautes, afin d'ouvrir un débat d'idée sur l'effet spécial. L’effet spécial se doit t’il d’être transparent aux yeux du spectateur ? Ou au contraire doit-il être vu en tant que tel ? Les avis de professionels du cinéma et/ou de la télévision ayant travaillé avec des effets spéciaux m'interressent tout particulièrement, bien que ceux des amateur me seront très utiles aussi.
    Vous pouvez, si vous le souhaitez, joindre votre nom à votre avis, ce qui me permettra de vous citer comme source.
    Si vous avez en outre en tête des articles ou des ouvrages ayant trait au sujet, je suis aussi preneur.
    Merci d'avance à tout ceux qui voudront bien se préter à cette expérience, et merci au Repaire.
     
  2. youpie-youplala

    Points Repaire:
    1 000
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    308
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Salut,

    Sujet fort intéressant ma foie. Je vais donner quelques directions en vrac. A toi de les structurer et de les nuancer.

    L’essence des effets spéciaux est l’altération de l’image perspectiviste telle qu’enregistrée par la caméra. Sils viennent servir une narration dans le cinéma de variété, il existe une pratique cinématographique et vidéographique dans laquelle ces altérations de la perspective constituent le procédé d’expression.

    D’autre part, la question éthique de l’utilisation et de la visibilité des effets spéciaux peut prendre deux optiques possibles : le point de vue économique et le point de vue éthique. Du point de vue économique, les effets spéciaux, quels qu’ils soient, sont du pain bénis. Ca rapporte. Le point de vue éthique se base sur des théories du cinéma.

    Les théories du cinéma guidée par un tel souci, à ma connaissance, sont également de deux types : celle réaliste (André Bazin) ou d'obédience freudo-marxistes (Baudry). Souvent, elles aboutissent à la conclusion que la représentation classique de type hollywoodienne est immorale.

    L'optique réaliste est d'obédience pieuse (Bazin est personnaliste, ou existentialiste chrétien si tu préfères). Bazin, dans "Qu'est-ce que le cinéma", nous dit que l’essence cinématographique, comme celle de la photographie, est de "momifier" le réel, c'est-à-dire en conserver la trace éternelle, afin d'en révéler l'énigme intrinsèque. Il découvre chez Von Stroheim et surtout les néo-réalistes italiens une pratique qui va aboutir à cette révélation qu'il ne qualifie jamais de divine, même s’il s’agit bien de cette idée. Que trouve-t-on dans le néo-réalisme italien ? Le réel. D'après lui, peu d'artifices langagiers (erreur à mon avis), un rapport à l'espace et au temps important via le plan séquence. Par exemple (de moi) lorsque, dans le voleur de bicyclette de de Sica, les personnage recherchent la bicyclette sur un marché, tous le marché y passe, filmé en plan séquence. Il se met à pleuvoir, non prévu dans le scénario, tant pis, on tourne. En tout, la scène dure plus d'un quart d'heure, tout cela pour dire que le vélocipède ne s'y trouve pas. D'ailleurs, il intitule l'un des chapitres de son livre :"Montage interdit." Mais l'optique réaliste va beaucoup plus loin dans la simple momification du réel : les Dardenne ne maquillent pas les acteurs. Le fin du fin du fin, pour Bazin est de réaliser un cinéma de la cruauté. D’ailleurs, Il se délecte, dans une note en bas de page, d'un oiseau croqué par un crocodile, subtilement rendu dans un long plan séquence.

    (Ce qui se révèle excessif dans cette proposition (quoique, Bellatar, c’est magnifique) fut nuancé par Vincent Amiel dans « Esthétique du montage » édité chez Nathan, coll. Cinéma. A relire. Finalement, le montage est un effet spécial à part entière. D’ailleurs, si le cinéma fut inventé par les Lumières, le film narratif fut la création de Méliès, un prestidigitateur, qui pratiquait l’art spécial sans montage.)

    L'optique freudo-marxiste part de Benjamin pour aboutir à un article que tu dois lire : "Effet idéologique de l'appareille de base" de Baudry (Dans le début des années 70 - les glorieuses du magazine, Commeli avait rédigé dans les cahiers du cinéma un long texte qui courrait sur plusieurs numéros sur une histoire de l'idéologie liée à l'appareil cinématographique, très intéressant également. Il ne m'en reste que quelque vagues souvenirs. Pourtant, il constituera pour ton travail, une véritable mine d'or.)

    Que nous dit Baudry en substance ?

    D’abord, tous films, parce qu'il réédite le point de vue divin de la perspective, suppose Dieu. Ce qui est en total congruence avec le point de vue réaliste. Juste l’éthique les sépare.

    D’autre part, le film, s’il ne montre le travail dont le film fut le produit, est un film aliénant. La grande majorité du cinéma réédite l’idéologie dominante aliénatrice. Ainsi, entre le cinéma hollywoodien et Leni Riffenstahl, la frontière est mince. Par contre, il peut exister un cinéma qui montre le processus de production, de réalisation et de la génèse du langage. Il cite Jean-Luc Godard et le cinéma soviétique, Dziga Vertov surtout.

    Dziga Vertov est reconnu par de nombreux cinéastes expérimentaux comme le fondateur de leur expression.

    Dans l’homme à la caméra, via le rythme du montage et le choc des images, il crée du sens, un langage universel. Il montre le processus par lequel le film est passé pour aboutir devant vos yeux.

    Dans la même idée, vas revoir la séquence des Carabiniers de Godard, où le benêt découvre le spectacle cinématographique.

    Car le cinéma est bien un spectacle. Pour les réalistes tardifs, un spectacle de la nature, pour Mélies un spectacle magique. Il crée ce qu’il appelle des fantasmagories.

    Il éclate, dans des films en tableau, la perspective. Le spectateur, peut-être, savait perpétuellement qu’il était face à une histoire qui lui est racontée. (Bien que je devrais m’abstenir de projeter ma manière de les appréhender sur ceux qui regardaient ces films dans les foires il y a deux siècles…)

    Toujours est-il que l’on retrouve cette explosion de la perspective dans le cinéma expérimental. D’un point de vue éthique, morale ou idéologique on y trouve de tout. Une large part de ce cinéma va créer des distorsions de l’espace et du temps. Un seul exemple, facilement trouvable : Dog star man de Stan Brakhage. Pourtant il ne parle pas d’« effet », mais bien d’une pratique cinématographique à part entière. Il s’agit là d’un langage apte à exprimer poétiquement le monde, via la sensualité corporelle que peut créer l’image. Ce que tu appelles effets est non plus mis au service de quoi que ce soit mais constitue le langage en soit.

    Ainsi, la pratique hollywoodienne, et c’est aussi vieux que la pensée sur le cinéma, est souvent critiquée. De là, une optique éthique consisterait, selon préférence identitaire, soit à ne pas pratiquer les effets spéciaux, soit à les utiliser, mais en en montrant honnêtement le processus de construction, le travail qu’il constitue. Le spectateur se délecterait alors de cette mise en abîme, qui lui permettrait de comprendre ce qu’il voit et donc d’apprendre.

    Pourtant, ce qui fait la force des effets spéciaux est l’état de fascination dans lequel il plonge le spectateur face un spectacle inconnu. Or une fois connu, la fascination cesse. C’est alors qu’ils deviennent visibles en tant que non naturel (ça a mal vieilli). L’utilisation des filtres dans l’art vidéo est de ce point de vue significative. Au départ fascinant, aujourd’hui, ils sont jugés ringards.

    Parce qu’il ne témoigne pas, le film basé sur des effets spéciaux est appelé à mourir pour être répété à nouveau en un spectacle à nouveau fascinant, kleenex nécessaire, ou plutôt toc, signe de dégénérescence sociétale, à la machine économique qui crée des besoins aliénant afin d’assurer sa survie au dépend du bonheur de tous, tout en oubliant d’aller de l’avant.


    Il ne nous reste plus qu’à inventer une langue nouvelle.;)
     
  3. camdarley

    Points Repaire:
    550
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    41
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Tout d'abord merci pour la rapidité mais surtout la qualité de ta réponse.

    Je vais suivre ton conseil et étudier de près les théories de Bazin et de Baudry (je dois toujours avoir "Qu'est ce que le Cinéma" qui a marqué le début de mes études).
    En ce qui concerne l'article de Comolli, s'agit il de celui intitulé "technique et idéologie" qui s'étend sur 6 numéros en 72? (je l'ai trouvé sur les archives des cahiers du cinéma, mais à 2€ l'article je préfère m'assurer que ce soit le bon).

    Il est clair pour moi que le statut d'effet spécial évolue quotidiennement, car si l'essence des effets spéciaux réside dans la modification du réel (altération ou amélioration, les avis et les utilisations divergent), c'est tout le procédé cinematographique qui prend alors le statut d'effet spécial: le montage crée une distortion des valeurs spatiales et temporelles du réel. Cela se situe bien sûr à un niveau concret car on peut effectivement soutenir le fait que le montage et les "artifices" du cinéma peuvent tendrent d'avantage vers une représentation du réel que la captation seule.

    Je manque évidemment encore d'information pour débattre efficacement sur les sujets que tu a abordé mais je vais essayer de combler ces lacunes.

    En tout cas, encore merci et bravo !
     
  4. youpie-youplala

    Points Repaire:
    1 000
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    308
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Il doit en effet s'agir de celui-là.
     
  5. youpie-youplala

    Points Repaire:
    1 000
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    308
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Lorsque jécrivais : "Juste l’éthique les sépare.", c'est, bien entendu, lié à une conception phylosophique, voire métaphysique du monde.
     
  6. Reiss

    Points Repaire:
    1 000
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    86
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Une question = que penser alors des efforts du cinéma "hollywoodien" à dévoiler ses techniques d'effets spéciaux, quitte à briser la magie du film ? Alors soit, ce n'est pas montré durant le film mais le sujet du travail de Camdarley ne concerne pas seulement l'oeuvre elle-même, mais la "transparence" en général des effets spéciaux.

    Réalisateurs et techniciens aiment, ce de façon croissante, à communiquer sur la manière dont ils ont mené à bien leurs effets spéciaux (par simple passion ou par pur esprit de communication, comme pour Transformers, par exemple, où Bay s'est très largement étendu sur les coûts et les techniques utilisées pour les effets spéciaux; cela plait de plus en plus au public).

    C'est peut-être un point stupide que je soulève là, mais imaginez-vous un magicien dévoiler la manière dont il va mener son tour, puis l'effectuer. Il est alors absolument certain que le spectateur ne regardera plus le film de la même manière (il est d'ailleurs frappant de voir à quel point le spectateur est désormais averti des différentes techniques d'effets spéciaux, notamment grâce aux nombreux bonus DVD tels que le Seigneur des Anneaux qui présentent, entre autre, la création de modèles via Motion Capture, la retexturation, les écrans verts etc...).

    Utiliser comme un outil de communication le fait de dévoiler les techniques de ses effets spéciaux trouverait, je pense, sa source dans le cinéma de Spielberg (donc dans les block-busters, Spielberg ayant inventé la chose); je me souviens d'ailleurs que Spielberg avait largement présenté aux médias son fameux requin - qui trône désormais dans un parc d'attraction - et comment celui-ci fonctionnait. Spielberg ne communique cependant pas ses techniques d'effets spéciaux dans certains cas justement : pour ET, il ne dira que bien plus tard comment a été construit la marionnette pour ne pas rompre le charme et briser la "magie".
     
  7. camdarley

    Points Repaire:
    550
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    41
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Oui, je suis entièrement d'accord. On assiste depuis peu à une importante communication/vulgarisation des techniques de tournage, de post-production et de trucage.
    Ce phénomène est dû à ce que j'appelle l' "effet making of". Le spectateur connait les contraites de production, de tournage et est donc à même d'apréhender les prouesses techniques réalisées sur le film.
    De là, la transparence des effets a beau être travaillée, elle est sacrifiée par la publicité afin d'en faire un produit marketing. Si l'effet spécial ne se voit pas, le film perd de de l'interet sur le plan technique.
    On aprend par le making of, par la publicité que telle scène est truquée et cette dernière prend alors une nouvelle dimension à nos yeux, alors qu'elle n'aurai pas eu autant d'interêt si l'effet sécial serait resté transparent par sa technique.
     
  8. LeMartien

    Points Repaire:
    1 000
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    157
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Oui bon les théories de Bazin etc... c'est intéressant comme ca pour en parler mais à étudier c'est FIOU !
    Torure de méninges, on dirait du vent... et de la prise de tête poura boutir à une analyse trop abstraite. J'en ai bouffé en cours et c'était...

    Coté films, parlons bien, Forrest Gump est le film parfait à étudier pour les SFX avec contexte historique, correctif et artistique.
    Après c'esst certain les films des années 50 avec les grandsmonstres en carton pate ou en surimpression sont un pur plaisir car nous on sait qu'il y a de la technique, mais en son temps, les gens voyaient surtout quelque chose de "réel" de créer.
     
  9. Sam Drake

    Points Repaire:
    550
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    32
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    je pense que "l'effet making off" ou comment devoiler les ficelles techniques des effets contribue à mon avis plus de la prouesse technique de tel ou tel studio. Il y a une concurence entre les studios, il est amusant d'ailleurs de voir en parrallele la suite d'harry potter et de seigneur des anneaux ( les 2 studios si mes souvenirs sont corrects: ILM et Weta) avec pas mal de créatures/personnages/decor similaires (ent, araigné, golum/gnome...)... C'est a qui fera le mieux... nous sommes plus dans la fascination technique voire technologique qui rrejoint en qq sortes la fascination de l'effet transparent...
    C'est un deplacement de la fascination...
    Ce genre de film est basé sur une immersion dans un autre monde, comme dit plus haut, tant qu'il y a fascination, la magie continuera...
    Et l'on peut se rendre compte dans la lecture de beaucoup de making off que cela en revient souvent à dire: "regarder tout ce que l'on a mis en oeuvre et tout les moyens pour vous faire rever...ça ne peut que marcher, tellement la technique est parfaite que vous ne vous en rendez pas compte... c'est incroyable ce que l'on peut faire avec la technique... tellement incroyable que vous y croyer...c'est beau la technique non!!!..."
     
  10. camdarley

    Points Repaire:
    550
    Recos reçues:
    0
    Messages:
    41
    Appréciations:
    +0 / 0 / -0
    Je n'aime pas non plus donner un aspect trop négatif de l'utilisation des effets spéciaux, et de la technique qui l'accompagne. Toutes les inovations techniques du Cinéma se sont accompagné d'une déconsidération par les critiques par rapport aux techniques traditionelles (l'arrivée du Cinéma parlant, de la couleur).
    Certe, il y a une réelle course à la prouesse technique. Mais le phénomèe que j'observe maintenant est que la crédibilité des effets spéciaux a, je pense, atteint un sommet. Les inovations deviennent de plus en plus anecdotique. Du coup on assiste à une nouvelle inovation dans la mise en scène des effets. On leur donne ainsi une nouvelle dimension en utilisant les effets spéciaux dans des situations auxquelle on ne s'attends pas... L'approche devient beaucoup plus "artistique", puisque l'aspect spectaculaire de l'effet ne tient plus simplement à la compétence des truqueurs, mais à sa prise en compte par toute l'équipe de mise-en-scène.
    Je pense qu'on assiste au déplacement de l'interêt de l'utilisation des effets spéciaux: ils deviennent une technique cinématographique à part entière, aux coté de la prise de vue, de la lumière et du montage, avec toute la dimension créative qui accompagne ce nouveau statut.
     
    #10 camdarley, 28 Août 2007
    Dernière édition: 28 Août 2007
Chargement...

Dernières occasions

 

Partager cette page