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Vers une utilisation plus fréquente du terme bokeh ?

Discussion in 'Prise de vues' started by jcbouden, Oct 20, 2013.

  1. jcbouden

    So

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    Je viens d'écrire un topo autour de la question de la faible profondeur de champ et du bokeh…

    Je le copie ici, mais la mise en page est plus agréable pour les yeux sur le blog :
    Vers une utilisation plus fréquente du terme bokeh ?




    Aujourd'hui, deux amalgames surviennent souvent lorsque l'on parle optique de prise de vue. La première concerne l'emploi de la focale pour parler d'un objectif… quand on devrait parler en réalité d'angle de champ avec toutes ces tailles de capteur qui sont sur le marché aujourd'hui. Certes, le terme crop factor vient clarifier les choses, surtout lorsque l'on « a dans l'oeil » ce que fait un 35, ou un 50 mm sur un capteur 24x36. Cependant, « avoir dans l'oeil » n'est pas précis, rigoureux, scientifique : l'un des travaux de l'assistant opérateur durant les essais caméra devrait être de changer les numéros de focale par ceux d'angle de champ couvert par l'objectif sur le capteur utilisé pour le tournage. Ainsi, le réalisateur, voir même tous les membres de l'équipe Image n'auraient plus à se soucier de ces histoires d'équivalence de focales, et parler, quel que soit le tournage et la caméra utilisée, du même angle de champ pour au final obtenir le même cadre.

    Mais la véritable confusion sur laquelle je souhaite revenir ici concerne l'emploi assez erroné du terme profondeur de champ. Beaucoup ont déjà eu cette conversation, où l'un insistait pour dire que reculer la caméra permettait de réduire la profondeur de champ, tandis que l'autre targuait qu'au contraire, la profondeur de champ ne diminuait ou n'augmentait pas en fonction de la focale à grandissement égal (c'est à dire à cadre égal). Je me permet d'introduire une partie de mon mémoire en cours d'écriture pour illustrer qui a raison et pourquoi :

    [​IMG]
    [​IMG]

    Ce petit topo sur la profondeur de champ issu de mon travail de recherche est donc révélateur d'une chose : la profondeur de champ n'est pas sensible à l'action de la focale à grandissement égal. Mais pourtant, dirons les personnes hostiles à cette idée, mes yeux le voient, il y a plus de flou lorsque je recule ma caméra ! Certes, mais dans ce cas, nous ne parlons plus de la même chose. Il y a une différence entre « distance entre le premier plan net et dernier plan net de l'image » et « plus de flou » ! Laissons la profondeur de champ de côté, car ce dont il s'agit avant tout, c'est du bokeh.

    Le terme Bokeh vient du japonais boke, qui signifie flou. Il désigne dans le monde de la photographie le flou que l'on voit à l'image, le fameux flou d'arrière plan de nos photographies qui détache de manière si élégante le sujet du fond. Et c'est de ce bokeh précisément qu'on parle à chaque fois que l'on évoque la sensation qu'une longue focale accentue la sensation de flou à l'image. Un grand angle avec une faible profondeur de champ donnera parfois moins une impression de flou qu'un téléobjectif avec un diaphragme très fermé. Pourtant, si on s'en tenait strictement à la profondeur de champ, alors cela devrait être l'inverse… Quel est ce phénomène ?

    Mon opinion est que nous devrions depuis le début parler de bokeh prononcé ou non. La profondeur de champ n'est qu'une des nombreuses composantes du bokeh d'une image : elle correspond, comme on a pu le voir, à l'action du diaphragme et de la taille du capteur sur la quantité mais aussi la qualité du flou visible à l'image. Mais ces composantes ne sont pas les seules qui agissent sur ces deux critères purement esthétiques et impossibles à mesurer scientifiquement (la quantité se jugeant au final à l'oeil, et la qualité étant un critère réel mais totalement subjectif !). Tout d'abord, pour parler directement de ce qui fâche, la focale a un vrai impact sur le bokeh. Tentons d'expliquer le phénomène.

    Comme dit dans ma démonstration, la focale agit avant tout sur les perspectives d'un plan, d'un cadre. Un téléobjectif, par exemple, écrase le sujet qu'il filme contre le décor derrière lui : c'est surtout visible lorsque vous réalisez des plans sans bokeh perceptible. En augmentant la focale, la portion de paysage à l'arrière plan d'un sujet que vous filmez en pied sera bien plus petite que celle visible avec un grand angle. De ce fait, une fois la profondeur de champ affaiblie, la quantité de flou sera bien plus grande avec une longue focale, car finalement, c'est comme si l'on prenait une portion du bokeh du plan tourné en large focale, pour la faire remplir le cadre de celui filmé en téléobjectif… Explications en image pour me faire mieux comprendre :

    [​IMG] [​IMG]


    À gauche, un bokeh classique d'un grand angle. À droite, une portion de ce bokeh, qui donne l'équivalent du bokeh d'une longue focale. La sensation de flou, le bokeh est bien plus prononcé avec le téléobjectif qu'avec la courte focale. (Cliquez sur les images pour une vue plus large)

    On comprend donc pourquoi la profondeur de champ n'est qu'une des nombreuses données, avec le choix de la focale, qui caractérisent une image avec un bokeh prononcé ou non. D'ailleurs, ceux qui auront vu La Vie d'Adèle auront probablement été marqués par l'utilisation intensive du téléobjectif : le résultat en est une palette de bokeh que l'on peut admirer tout au long du film…

    [​IMG]

    La vie d'Adèle, Adbellatif Kechiche (2013)


    Mais à part ces premiers critères essentiels, qu'est ce qui peut agir sur le bokeh ? Tout d'abord la construction optique de votre objectif : chaque aberration, qu'elle soit géométrique ou chromatique, change la qualité de votre bokeh. Mais ce n'est pas tout : le nombre de lamelles du diaphragme agit clairement dessus, on pourrait même dire la forme du diaphragme tout simplement. Si un diaphragme avec peu de lamelles est utile en architecture et paysage urbain pour avoir le moins d'aigrettes possible, un grand nombre est en général très apprécié des amateurs de bokeh. En effet, plus le nombre de lamelle sera grand, et plus le diaphragme gardera sa forme arrondie qui donne cette qualité de flou, et surtout cette façon qu'a celui-ci d'être doux et progressif (la transition entre le net et le flou n'est pas brutale). Je vous invite à lire cet excellent article autour de ce phénomène. Ainsi, même la fabrication de votre diaphragme peut jouer sur votre bokeh… c'est pourquoi le fabriquer vous même peut être quelque chose de très créatif. Vous l'avez sûrement déjà remarqué, mais filmer un point de lumière lointain en flou vous donnera souvent cet ovale lumineux, très présent par exemple dans les scènes de nuit.

    La forme de votre diaphragme joue certes sur la qualité de votre flou, mais joue également sur l'aspect de ces formes ovales. Un diaphragme avec peu de lamelles apparaitra par exemple polygonal et non circulaire… Mais des outils permettent d'aller plus loin. Le lensbaby est un objectif par exemple qui vous permet entre autres de lui adjoindre des diaphragmes de toutes les formes : des cœurs, des étoiles… Et figurez-vous que les fameux points lumineux prennent cette forme donnée au diaphragme ! À savoir notamment que cette astuce est également valable si vous découpez dans du carton une forme que vous placez devant l'objectif de prise de vue…

    [​IMG]

    Exemple d'image kitche possible…

    Beaucoup de choses sont donc possibles rien qu'en jouant sur le diaphragme de son optique (et ce même si l'on oublie son action évidente sur la profondeur de champ !). Une chose qui est tout aussi importante en terme d'optique concerne la définition de l'objectif que l'on utilise. En effet, pas de Ying sans le Yang : une impression de netteté ne vient pas sans flou prononcé, tout comme une impression de flou ne vient pas sans référence de netteté à l'écran ! Dans le vie, tout est affaire de contraires, de contrastes : c'est le cas également pour le domaine optique.

    Pour boucler autour des paramètres optiques qui ont une influence sur la qualité et la quantité de flou à l'image, et donc sur le bokeh, j'aimerais parler des effets optiques. Une demi bonnette, par exemple, amène une qualité de flou unique et très reconnaissable , dont le célèbre réalisateur/photographe Bruno Aveillan semble friand (Voir par exemple , on aime ou pas, mais on est pas indifférent !). Mais les optiques à décentrement ont aussi une grande action sur le bokeh : si d'un côté, il est possible d’agrandir la profondeur de champ, il est également possible de la réduire encore davantage. La magie s'opère par inclinaison du plan de mise au point, ce qui fait que les rayons lumineux n'arrivent plus parallèles au capteur. Il en résulte par exemple ces fameux effets maquettes (), ainsi que des flous à l'esthétique singulière ([ame="https://vimeo.com/12926760"]Pub Suez[/ame], avec par exemple les plans sur le grand-père). Voir ICI pour plus d'informations pour les intéressés.

    Enfin, le choix des optiques sphériques ou anamorphiques a une très grande influence sur le bokeh, tout d'abord car la profondeur de champ sera plus faible en anamorphique. Mais aussi parce que l'anamorphose fait que tout objet flou paraîtra déformé : c'est ce qui est à l'origine de ces fameuses formes ovales au niveau des points lumineux flous. Le bokeh anamorphique est unique par l'aspect irréel qu'il possède, et c'est qui le rend vraiment adapté au monde de la fiction. Certains résument ce type de prise de vue à ses flares horizontaux et souvent bleutés, mais j'ai personnellement toujours été davantage sensible à l'aspect des bokeh, et à quel point ils peuvent paraître uniques…

    [​IMG]

    Killing Them Softy, Andrew Dominik (2012)


    Mais cet article autour du bokeh ne peut se conclure sans parler d'un autre paramètre fondamental en ce qui concerne l'aspect qualitatif de votre bokeh : il s'agit tout simplement de ce qu'il y a devant la caméra. Cela peut paraître bête à dire, mais un mur blanc à 2 mètres d'un sujet ne donnera pas du tout le même bokeh qu'un arbre à 15 mètres laissant entrevoir le soleil… tout comme le présence d'amorces change du tout au tout l'aspect de votre image ! Ce que vous filmez, et comment vous le filmez détermine avant tout l'aspect de votre bokeh. C'est pourquoi faire très attention au travail de décoration est essentiel dans un film, et ce même lorsque celui-ci n'est composé que de gros plans. Le flou a une texture, et a une importance dans la narration : il doit avoir sa logique propre et doit laisser transparaitre l'ambiance d'un lieu. Si l'on souhaite faire une scène de nuit, et profiter d'une faible profondeur de champ pour avoir beaucoup de points lumineux flous en arrière plan, alors il faudra parfois tricher et les créer, car ceux-ci n'apparaissent pas d'eux-mêmes. Les plus beaux bokeh, en fin de compte, sont ceux qui ont tenu compte des caractéristiques d'un décor, et ont su l'exploiter et/ou le réaménager en fonction d'une intention de mise en scène et d'un scénario. Chaque décor en fonction d'une narration a ses propres besoins en terme de méthode de prise de vue, et surtout de choix de la focale. Un beau bokeh (ou non si vous ne le souhaitez pas !) emplira votre image à coup sur si vous réussissez à répondre à ces besoins…


    En espérant que ce soit utile à certains :hello:
     
    #1 jcbouden, Oct 20, 2013
    Last edited by a moderator: Sep 3, 2015
    • Je recommande ! Je recommande ! x 3
  2. Régis-P

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    Voilà un article remarquable et utile.
    L'emploie des valeurs de focales qui ne veulent plus rien dire au lieu des angles de champs est une des tares du verbiage technique sur les forums, parmi beaucoup d'autres.
    bravo pour votre travail.:jap:
     
  3. jcbouden

    So

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    Bonjour Régis, je ne vois que maintenant votre message !

    Merci pour ce gentil mot, bonne continuation à vous :hello:
     
  4. guy-jacques

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    Je ne dénierais pas le mérite de cet exposé de jcbouden car, d'une autre façon le corroborerai.

    Je suis,ici, un de ceux qui ont amené JLH 37 à exposer qu' à cadrage identique d'un "sujet dans l' image", la PdC restait la même ... si l'ouverture (relative) du diaphragme (notée N) n'est pas modifiée non plus que le facteur "cercle de confusion", (noté c) quand le grandissement, que je noterai g, doit être conservé.
    j'ai mis entre guillemets "sujet dans l'image", car le vocabulaire de l' optique géométrique appelle "objet" ce "sujet" et "image" la représentation qui en est fournie par l' objectif sur le film ou le capteur.

    Le texte encadré donne explicitement la définition du "grandissement" comme le rapport des "hauteurs" entre celle de l' objet et celle de son image, j'abandonne le signe "-" qui signifie l'inversion de l'un par rapport à l' autre:
    c'est 24mm / 400mm = 6/100 = 0,06

    est utilisée aussi une autre formule déduite d' une homothétie centrée sur le foyer-objet de la lentille et qui s'exprime par la formule
    g = f / (d-f)
    où f est la focale de l'objectif et d la distance de l' objet au centre optique.
    On peut en déduire
    d = f x [1+1/g]
    ... dans le cas qui nous intéresse ici comme g = 6/100, 1/g = 100/6 et, 1+ 1/g vaut 106/6,
    avec un objo de 50mm ... d = 50x 106/6 = 5300/6 =883.333 soit 833mm (OK)
    avec un objo de 135mm d = 135 x 106/6 = 2385mm ( Aïe ... 4mm près sur 2.4 m ?).

    Bien, mais es-il indispensable d'utiliser ces distances pour, dans ces conditions d'identités de g,N (ouverture diaph), c et respectives de d, revenir au calcul de la PdC?

    La formule donnée initialement pour la PdC est 2 x N x c x d2 / f2,
    d2/f2, c'est le carré de d/f et, on a vu que d = f x (1 + 1/g), alors d/f = 1+1/g...
    donc, le calcul de la PdC ne dépend plus que du grandissement "g", du diaphragme"N", du cercle de confusion "c" choisi :
    PdC = 2 x N x (1 + 1/g)2 (le "2" final vaut ici exposant de "carré")
    et ainsi, quelle que soit la focale ou la distance si le grandissement est g = 0.06 ( 1/g = 100/6 et 1 + 1/g = 106/6), le diaph f:4 donne N=4, et c = 0.03 mm
    PdC = 2 x 4 x 0.03 x (106/6)2 = 74,9066... c'est bien pratiquement 75mm.

    Ceci pour montrer, une fois pour toutes, qu'il ne convient pas de considèrer ce point de vue, de "chef-op", comme opposé à celui de ceux qui veulent faire dépendre la PdC de la focale ... s'ils n'ont pas désir ou moyen de modifier les autres paramètres qui la déterminent : ils changeront alors leur cadrage ... et le grandissement.

    Celà posé, c'est sans conteste que l'angle de champ est une donnée importante...
    comme la PdC,il est relatif au format du film ou du capteur, pour les camescopes à objectif fixes ... ça pourrait être indiqué dans les manuels... mais est-ce plus facile à exploiter que ... la visée directe , ... les "chefs-op" n'utilisent-ils pas un accessoire pour ça ?

    Cependant, je vote aussi pour les encouragements à jcbouten ... pour la relève :good:

    nb: je replace ici un calculateur de PdC... Le site offre d'autres possibiltés ...

    Mais, tout ça n'est pas tout aussi simple ... car ça repose sur l' optique géométrique appliquée aux "lentilles simples" ... c'est loin d'être le cas des objectifs actuels (et même passés !);
    Et, pour ceux qui sont fanas de Nikon (et d'autres ...) ou qui aiment la montagne ...
     
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