Faux raccords

Bonjour à tous, je suis tombé par hasard sur l'emission d'AlloCiné "Faux Raccords" et je dois dire que j'en ai avalé des minutes de videos...
Comment peut-on laisser passer autant d'erreurs dans des films ? Les responsables ne se préoccupent pas de la qualité de la prise de vue / montage ? Les acteurs ont une memoire de poissons rouges? (bras tendu sur un plan, contre champs bras fléchi par exemple). Idem pour les vêtements...
Les pro (ça grouille ici et c'est tant mieux), à qui la faute?

 

Il est évident que lorsque l'on tourne les champs puis ensuite les contre-champs il est impossible pour un acteur de refaire les mêmes gestes au même moment.
Il n'est pas sur que ces contre-champs soient tournés dans la foulée mais plusieurs jours après les champs.
En montage on s'arrache les cheveux pour les raccords qui sont plus dans l'intention que dans la réalité.
Après cela dépend aussi de la scripte et des assistants, mais aussi du réalisateur et de la pression de la production. En cinéma une minute coute chère.
La sortie d'un lieu dans la rue ne se tourne pas forcément après la scène de l'appartement, mais une semaine après et pas sur que cela soit à coté de l'appartement.
Et il y a aussi les retake, tournés plusieurs mois après le tournage pour refaire des scènes qui ne fonctionnent pas au montage.
Faire un film c'est faire un proto !

 

Hé ! Mais je trouve ça passionnant les faux raccords !

Un film sans faux raccord, à priori cela n'existe pas, ceci pour les raisons de tournage en partie évoquées par Video 92.

Mais il y a faux raccord et faux raccord… Le faux raccord malheureux qui sera plutôt bien détectable et suffisamment grossier pour détourner un instant l'implication émotionnelle du spectateur (attention, aiguille dans le rouge !), et le faux raccord que j'appellerais "pas méchant", qui échappera à la plupart des spectateurs et qui n'aura que très peu d'impact sur l'implication émotionnelle de celui le remarquant. La deuxième catégorie est largement plus fréquente que la première.

Ensuite, il ne faut pas croire qu'en post-production ces problèmes de raccords échappent aux réalisateurs et aux monteurs, ni qu'ils les laissent dans le film systématiquement parce qu'ils n'ont pas d'alternative. Beaucoup de faux raccords peuvent trouver une alternative mais font l'objet d'un choix délibéré allant en faveur de la comédie. En effet, il serait contreproductif, et dans certains cas stupide, de sacrifier une prise assez nettement supérieure aux autres du point de vue de la comédie pour un faux raccord de la catégorie "pas méchant", à savoir qui devrait échapper à 98,85 % des spectateurs et en laisser seulement 0,33% sur le carreau concernant l'immersion (momentanément, encore…).

La comédie, cette puissance à générer de l'empathie, avant la perfection technique !

C'est surtout pour cela que l'on peut trouver autant de faux raccords dans les films, et que ceux qui les cherchent (comme dans l'émission très intéressante de Allociné) en trouvent même chez les réalisateurs les plus prestigieux…

Évidemment, par phénomène d'accumulation, un film peut très bien succomber à la catégorie du faux raccord "pas méchant". Et il y a tellement d'occasions de commettre des erreurs qu'il faut nécessairement adopter le comportement de chercher à les éviter à 100%.

Remarquons aussi que dans une situation normale, le spectateur qui tend naturellement à vouloir identifier les problèmes de raccords est déjà dans une démarche de prendre du recul, à savoir qu'il résiste plus ou moins à son immersion complète dans un film. Ce qui minimise encore cette affaire du faux raccord !

Par chance, les faux raccords peuvent nous en apprendre sur les procédés de tournage, les problématiques rencontrées, le temps de travail sur une scène, etc., c'est aussi ce qui fait l'intérêt de l'émission objet de ce sujet. Ses protagonistes aux mêmes prénoms ont d'ailleurs un ton, une sorte de boutade spécifique aux problèmes de perche, comme pour dire, "ce n'est pas cela qui est important".

Allez ! Illustrons ! Illustrons ! Imaginons, projetons-nous quelques instants dans ce qui pourrait être un cas ambigu…

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INT. DECOR SALON - NUIT

Bebel sourit tout en regardant Catherine regonfler un peu son chignon, le soulevant doucement avec les paumes. Elle soupire… A l'arrière-plan, bien visible entre eux deux, de longues flammes frétillent dans la cheminée.

LE CHEF OP
(off)​

C'est bon, ça tourne…​

LE SONDIER
(off)​

Ça tourne au son.​

LE PREMIER ASSISTANT
(off)​

Annonce !​

Le machino s'avance et positionne le clap devant sa poitrine à hauteur du visage de Catherine assise, il relève la charnière.

LE MACHINO​

La Sirène du Mississipi, scène de la cheminée, plan 3 contrechamp Julie, prise 11…​

LE PERCHISTE
(dans sa barbe)​

C'est la 13.​

La scripte sursaute et retourne ses feuilles.

LA SCRIPTE​

Oui, c'est bien ça, la 13.​

LE MACHINO
(flegmatique)​

Ok… prise 13…​

Et CLAP !

Silence plateau aux doux crépitements de l'âtre. L'équipe s'est figée, regards sur Catherine.

Bebel baisse le menton et lève les sourcils.

François baisse la tête en fermant ses yeux. Il joint ses mains devant sa bouche, s'immobilise. Un gros craquement se fait entendre mais il ne cille pas, comme envoûté.

La scripte s'avance d'un petit pas et lève l'index tout en serrant les dents…

LA SCRIPTE
(d'une voix empruntée)
​

M. Truffaut… Il y a le feu qui vient encore une fois de se casser la gueule, vous ne voulez vraiment pas qu'on change la bûche ? Si on active bien la flamme, on ne perdra pas trop de temps et on évitera le faux raccord…​

François ouvre les yeux et se redresse brusquement.

FRANCOIS
(très énervé)​

Non, non, non et non ! Mais rien à foutre du feu, bordel !! Bon sang, il fait une chaleur à crever ici, si on perd encore du temps avec ce fichu feu, Catherine aura des auréoles sous les aisselles ! (à Catherine, gentiment :) Ca va Catherine ?​

CATHERINE​

Oui oui.​

LE PERCHISTE
(dubitatif et encore plus dans sa barbe)​

On verra le micro avant ses aisselles…​

FRANCOIS​

Allez, allez… Cette fois c'est la bonne. On se concentre… Action !​

 

Je rajouterai que si l'émission "faux raccord" existe, c'est justement parce qu'ils ne sautent pas aux yeux.

Du coup, la question "comment peut-on laisser passer autant d'erreurs" peut également se poser aux spectateurs. Et de mon point de vue, c'est une question rhétorique.

 

Mais on peut aussi faire un montage e faux raccords, ce qui permet de faire une ellipse temporelle.
J'avais faire un montage de l'habillage d'une camionnette avec des adhésifs, le caméraman avait tout filmé, le film aurait été bien trop long, musique rythmée et le poseur d'adhésif tout en faux raccords, montage dynamique court et un client content.

 

C'est vrai homero, j'ai fait un montage d'un spectacle de Jean Pierre Mader, tournage sur deux soirées et pour une chanson un soir en blanc et le second soir en noir et bien en fonction de la partie du texte un coup en blanc et l'autre en noir et c'est super bien passé.
Un vrai sport le faux raccord !

 

ça rappelle les jeux chercher l erreur, pourtant avec les deux images l une à côté de l autre, il faut une certaine attention et un temps d observation variable, parfois conséquent, pour toutes les repérer

 

Mais quand on s'ennuie, on n'a pas forcément l'attention là où elle est attendue..

Du coup, j'ai trouvé cette fameuse scène de la Sirène du Mississipi dont j'ai fait une parodie de tournage plus haut, on trouve vraiment tout sur YT, c'est formidable :



La grande question, c'est : "mais bon sang, dans quel ordre ils ont tourné les plans ?!"

 

Mais que c'est long et bavard, pas étonnant que les buches se consument plus vite que le dialogue.

 

Moins pire que ce que je pensais, tant qu il y a de la flamme ça reste encore acceptable, faut vraiment se concentrer sur l arrière plan pour s en rendre compte, ce qui normalement n est pas le sujet d attention principal( à moins de franchement se faire chi.r)

 

Moi aussi, c'était bien pire dans mon souvenir... A croire que plus on le regarde moins on s'ennuie.

C'est curieux, sur les plans de Catherine, on croirait vraiment qu'il s'agit de la même buche, auquel cas ils auraient tourné son gros plan avant son plan plus large avec amorce de Bebel.





(On voit ça bien en lecture vidéo, quand la flemme est animée.)

Et même, si l'on en juge par le faux raccords lumière dans les occurrences du GP (la chevelure), on croirait qu'ils ont commencé par le GP, puis qu'ils ont tourné le plus large, puis qu'ils sont repassés sur un GP. Peut-être pour corriger le raccord lumière, et au montage, ils auraient dit : "ben non, finalement on s'en pète, on mélange tout, on privilégie la comédie".