Le fabricant trublion australien a finalement annoncé ce lundi 10 février que les premiers exemplaires de sa caméra 4K allaient commencer à être livrés et  surtout qu'il baisse son prix carrément de 1000 dollars ! Une réponse plutôt agressive à l'offensive de Sony et Panasonic sur le terrain de l'UltraHD/4K.

Presque un an après son annonce (quelques mois de retard pris sur la livraison), les premières prises en main de cette caméra devraient donc bientôt se faire jour sur la toile et permettre d'en savoir un peu plus sur les capacités réelles de cette caméra.

Les spécifications

Par sa dénomination la Blackmagic Production Caméra 4K semble montrer une volonté de la société de se rapprocher du monde  de la télévision , avec notamment le domaine du reportage / documentaire haut de gamme, se mettant ainsi assez directement en concurrence avec le nouveau Panasonic GH4 et se plaçant plus favorablement que la Sony Z100 (env. 5300€ HT) . Pari réussi ?

Début de réponse avec les spécifications principales de la caméra :

•  Enregistrement Ultra HD (3840 x 2160)
•  Codec Prores 422 HQ (4:2:2 10 bits) dans un premier temps, puis RAW Cinema DNG (compressé sans pertes)
•  Capteur Super 35 donné pour une dynamique de 12 diaphs
• Absence de mode 50P
• Absence de toute fonction de ralenti
•  Global Shutter
•  Monture EF active
•  Enregistrement sur SSD amovible 2,5 pouces
•  Ecran LCD tactile 5 pouces
•  Sortie 6G-SDI (HD et UHD, compatible 4K seulement jusqu'au 30P, incompatible 4K 50P) 
•  Pas de XLR
•  Batterie Interne inamovible
•  Form factor semblable (identique?) à la Blackmagic Cinéma Caméra
•  2275 HT prix indicatif

On a affaire ici à une autre stratégie que celle de Panasonic : Blackmagic joue ici encore la carte de la qualité max en postproduction, là où Panasonic  mise davantage sur une postproduction plus limitée avec son codec interne 4:2:0 8 bits, une plus grande universalité d’usage et même une meilleure ergonomie.

Miser sur la qualité de l'image et de la postproduction…

On a en effet ici un capteur Super 35, avec une monture EF qui acceptera toutes les optiques Canon (et Nikon via un adaptateur), et qui permet de fournir des images super qualitatives par l'usage du Prores 4:2:2, enregistré en interne sur disque SSD, voire du RAW (un peu) compressé.  Des formats d'enregistrement  probablement  'trop lourds' pour beaucoup de productions TV ou Web.

Le choix du SSD comme support est judicieux car l’évolution technologique permet d’espérer des capacités de plusieurs téras probablement plus tôt que sur les petites cartes mémoires.

Mais absence d'un codec taillé pour l'institutionnel  comme celui  que propose Panasonic (100 Mbits/s 4:2:0 8 bits), qui conviendrait justement aux productions TV ou web, moins portées sur la postproduction et demandeuses de plus d’autonomie et de moindre coût des medias.

Blackmagic pousse par ailleurs le bouchon assez loin avec le global shutter, seule solution vraiment radicale pour supprimer le rolling shutter, ces déformations géométriques qui  apparaissent sur les capteurs CMOS lors des panoramiques horizontaux rapides.

On se rapproche donc ainsi d'un rendu de très haute qualité, avec enregistrement UHD, pour le prix d'un DSLR professionnel…

On remarquera également dans ces spécifications que la caméra boude un peu le grand écran cinéma par l'absence de résolution 4K 'nominale' (4096 x 2160), la Production Caméra n'étant capable de tourner qu'en UHD (3840 x 2160). Ce détail sans être redhibitoire risquera tout de même d’éloigner une partie de la clientèle traditionnelle de BlackMagic clairement orientée cinéma numérique. On peut aussi considérer que la différence est négligeable...

La courbe gamma 'film' est elle toujours bien présente, aux côtés du profil 'vidéo' Ce dernier donnant des résultats directement exploitables sans étalonnage sera probablement utile aux plus pressés. 

… au détriment de l'ergonomie

 Le ‘form factor’ pose en revanche question, ainsi que les précédentes tares de sa petite soeur la Blackmagic Cinéma Caméra. Si les possesseurs de cette dernière pourront sans problème passer  au 4K en gardant tous leurs accessoires, en revanche tous ceux qui investiront dans cette caméra risquent d'être fortement perturbés par la prise en main un peu étrange, qui nécessitera au final souvent une crosse d’épaule. Cela dit on peut en dire autant des photocams comme le GH4...

La monture EF est heureusement active, permettant d'exploiter les technologies de stabilisation optique et autofocus des objectifs Canon.

La gestion des batteries (ainsi que des médias, impossibles à formater depuis la caméra !) est elle aussi un vrai problème. La batterie interne, avec une faible autonomie, n'est

en effet pas amovible , obligeant dès lors à l'usage de batteries V-Lock via un support. 

Ainsi, pour poursuivre la comparaison,  si le GH4 nécessite un enregistreur externe pour filmer avec un bon codec, la Blackmagic elle nécessite constamment une solution d'alimentation externe pour fonctionner ; de ce fait, pour toutes les personnes cherchant une caméra versatile et exploitable sans accessoirisation, on se doute que le GH4 et son codec compressé sera au final une solution mieux adaptée.

Pour qui et quels usages ?

Avec un brin d'accessoirisation et des disques durs prêts à être assaillis de gigabits, cette Production Caméra 4K s'annonce très prometteuse pour les amoureux de belles images, avec à la clé une  excellente dynamique, de belles nuances dans les dégradés et les couleurs, une résolution UHD formidable, le global shutter assurant une parfaite reproduction des images, et enfin le rendu du capteur Super 35 associé au vaste parc d'optiques à monture EF.

La question qui risque de se poser à l’éventuel acquéreur d’une solution 4K abordable est donc : vaut-il mieux favoriser la qualité d'image  (notamment la postproduction avec le Prores, voire le Raw) au détriment de l'aspect « Run and Gun »  du Panasonic ?

Dans un certain nombre de situations, notamment pour les personnes en freelance, on préférera le GH4 pour son ergonomie et surtout la possibilité de brancher des micros en XLR

chose que ne propose pas la Blackmagic, qui confirme ainsi au passage son manque d’intérêt pour la prise de son professionnelle notamment au niveau des pré-amplis.

Ainsi, la caméra devra être exploitée en collaboration avec un ingénieur du son autonome (productions télé, captations, documentaires), ou pour des vidéos sans captation d'audio (clips, publicités,…).

Pas de ralentis, pas de mode 50P

Un autre aspect où la BlackMagic Production 4K perd un point c'est la question de la cadence d'images limitée au 25/30P en 4K. Or il est vraisemblable que le prochain standard de production UHDTV en Europe soit du 4K 50P.

Il semble que BlackMagic ne croit pas au 50P/60P (ou bien leur capteur ne le permet juste pas ?) et limite la projection 4K future au 25/30P c'est à dire avec les. zolies saccades du cinéma traditionnel.

 

Encore sur la comparaison avec le GH4, celui-ci à l'inverse sans faire de véritables folies est tout de même capable en HD d'un 96 im/s de bon aloi.

 

Conclusion

 Cette Blackmagic Production Camera 4K ne se présente au final pas tellement comme un concurrent de la Panasonic GH4, mais plutôt comme un outil différent, orienté haute qualité d’image et post-production, avec ses codecs internes et le rendu du capteur Super 35, non sujet au rolling shutter (qui risque d'être l'un des défauts du GH4). Par rapport à la Z100 de Sony qui elle a l'avantage d'un codec variable haut de gamme (XAVC jusque 600 Mb/s) et par conséquent sous ce rapport plus universelle d'usage, dotée elle aussi de prises XLR et d'un système d'enregistrement très souple, la BlackMagic la distance en terme de possibilités créatrices et de qualité générale d'image (capteur super35 oblige) et aussi un très gros avantage au niveau du prix. La Z100 coûte en effet plus du double.

Pour résumer cette caméra se destine plus spécifiquement à des productions broadcast très exigeantes en post-production et en possibilités créatrices, ne comptant pas sur la caméra pour le son et moins fortunées. Nul doute que nous entendrons parler très rapidement des premieres utilisations avec un aperçu de la dynamique, de la sensibilité, la définition, la montée de bruit ainsi que de la gestion des couleurs. Nous testerons au Repaire un exemplaire finalisé dès que possible.

Apprécions dans tous les cas le positionnemen de Blackmagic qui continue de faire bouger le marché vers des solutions effectivement abordables. À deux mois du NAB à Las Vegas, qui est toujours LE lieu d'annonces pour les constructeurs, nous voici déjà avec quatre caméras filmant en Ultra HD à moins de 5000 €… 

 

 Jean-Côme Bouden, Michel Rempenaux  Merci à Forest Finbow

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